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[nettime-fr] Starhawk - Après Genes, pourquoi nous devonsrester dans la rue


Après Gênes, pourquoi nous devons rester dans la rue

Par Starhawk

Depuis Gênes, de nombreux débats tout à fait sains ont eut lieu pour
déterminer sur les perspectives du mouvement contre la globalsation
économique. Les manifestations de masse se font bien plus dangereuses et
plus difficiles. Les sommets sont déplacés vers des endroits inaccessibles.
Le FMI, la Banque Mondiale, le G8 et l'OMC poursuivent leurs affaires. Ce
que nous faisons est-il suffisemment efficace pour justifier les risques que
nous prenons ? Ne devrions nous pas nous concentrer plus sur le travail
local, en construisant jour après jour nos réseaux et notre organisation ?

J'étais à Gênes. De par ce que j'y ai vécu là-bas, y compris les moments de
véritable terreur et d'horreur, je suis plus que jamais convaincue que nous
devons rester dans la rue. Il faut continuer à monter des [initiatives  de
grande envergure], à contester les sommets, à travailler à une échelle
globale.

Nos initiatives globales ont été extraordinairement efficaces. J'ai entendu
des avis désespérants qui affirmaient que les manifestations n'avaient
finalement eu aucun effet sur les travaux du G8, de l'OMC ou du FMI/Banque
mondiale. En fait elles en ont eu. Elles ont, de façon significative,
modifié les ordres du jour et la propagande qui en a découlé. De toute façon
la politique actuelle de ces institutions sera la dernière chose qui
changera.

Mais pour la plupart d'entre nous dans la rue, notre objectif n'est pas de
modifier le débat au sein de ces institutions. Notre propos est de saper
leur légitimité, de mettre en lumière leurs programmes et leurs politiques
et de faire croître le coût social de leur existence, jusqu'à ce qu'il soit
insupportable. L'opposition aux sommets a délégitimé ces institutions comme
aucun groupe local n'aurait pu le faire. Les grands sommets obéissent à des
rituels élaborés, ce sont des manifestations ostentatoires de pouvoir qui
confortent le crédit et l'autorité des corps qu'ils représentent. Quand ces
corps sont contraints de se réunir derrière des murs, de mener une bataille
de rues à chaque conférence, de se retirer dans des endroits isolés, le
rituel est brisé et leur légitimité est sapée.

Les accords qui étaient négociés en secret sont placés sous les projecteurs
d'un examen public. Le mensonge qui voudrait que la globalisation soit
synonyme de démocratie est révélé au grand jour ; et le masque de
bienfaisance tombe.

Des organisations locales ne peuvent tout simplement pas arriver de façon
aussi aussi efficace à un tel résultat comme peuvent le faire les grandes
manifestations. L'organisation au niveau local est vitale, et il y a
beaucoup d'autres choses qu'elle peut faire : le travail social,
l'éducation, la construction du mouvement, la création d'alternatives
possibles, l'amélioration de quelques-uns uns des effets immédiats de la
politique globale. Nous ne pouvons et ne voulons abandonner le niveau local
et, en fait, nous ne l'avons pas fait : beaucoup d'entre nous travaillent
sur les deux niveaux. Personne ne peut aller à tous les sommets, nous avons
tous besoin de nous implanter dans nos propres communautés. Mais beaucoup
d'entre nous en sont venus aux actions plus larges, plus globales, parce que
nous comprenons que les accords commerciaux et les institutions que nous
contestons sont destinés à défaire notre travail local et prendre le pas sur
les décisions et les aspirations des communautés locales.

Nous pouvons faire du renforcement des réseaux et des organisations locales
l'objectif conscient de chaque initiative globale. A part Washington DC,
Bruxelles ou Genève, qui n'ont pas le choix, plus aucune ville ne voudra
désormais accueillir une de ces réunions internationales. Nous entendons
même maintenant des rumeurs qui affirment que que Washington pense à changer
le lieu du prochain congrès de la Banque mondiale et du FMI. Mais si nous
trouvons des moyens d'organiser des actions de masse qui laissent derrière
elles des ressources et des coalitions opérationnelles, alors chaque
initiative globale peut renforcer et soutenir le travail local qui se
poursuit sur une base quotidienne.

Les sommets ne resteront pas longtemps les merveilleuses et appétissantes
cibles qu'ils sont. Sur les deux dernières années nous avons bénéficié d'un
programme de réunions qui avait été décidé et négocié avant Seattle.
Maintenant qu'ils tiennent leurs réunions dans des lieux toujours plus
secrets et isolés, nous devons élaborer une stratégie qui nous permette de
continuer à produire de la dynamique.

Par exemple, certains d'entre nous ont parlé d'actions régionales,
coordonnées, à une grande échelle, ayant pour cibles les Bourses et les
institutions financières lorsque l'OMC se réunira à Qatar en novembre. Le
message que nous enverrons sera : « Si vous transposez les sommets loin de
notre portée, et si vous poursuivez vos politiques de concentration du
pouvoir et des richesses, alors l'agitation sociale se déploiera sur ces
institutions spécifiques pour défier la structure du capitalisme global
elle-même ». Des marches, des conférences, des contre-sommets, des
programmes d'alternatives positives ne peuvent pas à eux seuls s'élever, à
ce niveau de menace envers l'édifice du pouvoir, mais ils le peuvent s'ils
sont associés à l'action directe au niveau que nous avons atteint
maintenant.

Bien sûr, plus nous réussissons, plus ils deviennent taigneux. Mais
lorsqu'ils utilisent la force contre nous, nous gagnons quand même, même si
le prix de la victoire est très élevé. Les systèmes de pouvoir se
maintiennent grâce à notre crainte de la force qu'ils peuvent déployer, mais
la force coûte cher. Ils ne peuvent pas se maintenir s'ils doivent, à chaque
fois, user de la force pour fonctionner normalement.

Gênes a été une victoire remportée à un prix épouvantable. J'espère ne
jamais revivre une nuit comme celle que j'ai passée quand ils ont attaqué le
Centre de médias indépendants et l'école Diaz, sachant que des atrocités
étaient commisent juste de l'autre côté de la rue et que je ne pouvais rien
faire. Le prix à payer me fait souffrir, me remplit de chagrin et me met en
rage. Je ferais presque n'importe quoi pour être certaine que personne, et
surtout pas un jeune, n'ai à nouveau à souffrir d'une telle brutalité.
Presque n'importe quoi. N'importe quoi excepté me retirer du combat. Parce
que ce niveau de violence et de brutalité on le retrouve chaque jour partout
dans le monde. Ce sont quatre étudiants abattus en Nouvelle Guinée, c'est la
fermeture d'une école au Sénégal, les quotas de travail dans une maquiladora
à la frontière mexicaine, l'abattage d'une forêt en Oregon, le prix de l'eau
privatisée au Cochabamba. Ce sont encore les violences infligées aux corps
de jeunes, surtout aux jeunes de couleur, dans les prisons partout aux
Etats-Unis, la brutalité et le meurtre qui se développent en Colombie, en
Palestine au Venezuela. Et c'est aussi le complet mépris de l'intégrité des
écosystèmes où nous vivons tous.

Je ne vois pas l'alternative entre le danger d'une action d'envergure et la
sécurité. Je ne vois plus aucun endroit où l'on soit en sécurité. Ou plutôt,
je vois que, à long terme, le chemin le plus sûr est d'agir avec force,
maintenant. Le choix est de savoir quand et comment contester les pouvoirs
qui tentent de bloquer tout espace politique à une réelle opposition.

A Gênes il est clairement apparu qu'ils se  battront sans [pitié] pour
défendre la consolidation de leur pouvoir, mais il nous reste beaucoup
d'espace pour organiser et monter des initiatives globales. Il nous faut
défendre cet espace en l'utilisant, en le remplissant et l'élargissant. Soit
nous continuons à les combattre tous ensemble maintenant alors que nous
pouvons mener des actions efficaces d'envergure ; soit nous les combattons
plus tard, par petits groupes isolés, ou seuls, quand ils enfonceront les
portes de nos maisons en pleine nuit. Soit nous menons cette lutte tant
qu'il y a encore des forêts vivantes, des rivières qui coulent, et que
l'éco-système de la planète peut encore s'adapter ; soit nous les
combattrons quand le préjudice sera encore plus important et l'espoir d'y
remédier bien plus faible. Nous avons beaucoup de choix quand à la façon de
mener la lutte. Nous pouvons être plus stratégiques, plus créatifs, plus
performants dans ce que nous faisons. Nous pouvons apprendre à mieux
préparer les gens à ce qu'ils vont devoir endurer et à mieux les aider
ensuite. Nous devons nous poser des questions fondamentale à propos de la
violence et de la non-violence, de nos tactiques et de notre vision à long
terme dont j'espère parler dans un prochain texte.

Mais ces choix ne peuvent exister qu'autant que nous préservons un espace
pour le faire. Nous devons nous développer, et non diminuer. Nous devons
explorer et revendiquer de nouveaux territoires politiques. Il faut que les
actions de cet automne soient plus grandes, plus sauvages, plus créativement
[outrageantes] et exemplaires que jamais, que ce soit pour les actions
contre le FMI et la Banque Mondiale à Washington DC fin septembre ou pour de
nombreuses actions locales et régionales en novembre quand l'OMC se réunira
à Qatar. Nous devons rester dans les rues.

5 septembre 2001

Copyright © 2001 Starhawk (http://www.starhawk.org). Reproduction autorisée
si cette notice de copyright est préservée. Version originale publiée sur
Alternet (http://www.alternet.org). Traduction de l'anglais (américain) par
Aris Papathéodorou et Germinal Pinalie.

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