valery grancher on Fri, 3 Dec 1999 09:15:43 +0100 (CET) |
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Re: [nettime-fr] Production et circulation de savoirs |
c'est là que je ne suis pas d'accord, voir ci-aprèsTRADITION CULTURELLE EUROPÉENNE
ET NOUVELLES FORMES DE PRODUCTION
ET CIRCULATION DU SAVOIRPar Maurizio Lazzarato
L'histoire de la culture européenne est en train de vivre un de ses plus
grands bouleversements depuis, peut-être, l'invention de la l'imprimerie.
UnCe processus existait déjà dans l'histoire des monarchies européennes. Qu'était la culture sans cour royale et potentat ?
véritable défi est lancé aux fondements même du concept de culture et de ses
modes de production, de socialisation et d'appropriation. Je parle
évidemment de son intégration au processus de la valorisation économique. Ce
processus d'intégration s'est accéléré depuis le début des années 80 à
travers, d'une part, la mondialisation et la financiarisation de l'économie,
et d'autre part l'avènement de ce qu'on appelle les nouvelles technologies.
Le concept de droits d'auteurs est un concept extrêmement récent pas plus vieux que la république. Ce n'est pas la première fois qu'il uara été remis en question. Il est vrai que nous assistons à un retour à des schémas incroyablement archaïques qui tendent à gommer la notion d'auteur et de vision individuelle ! il s'agit ni plus, ni moins à un retour à une forme de totalitarisme qui n'est plus de droit divin mais de droit économique...Plusieurs voix se sont depuis levées pour défendre la culture, surtont de la
part d'intellectuels et d'artistes. Des oppositions plus fortes ayant trait
à la subordination de la culture au champ économique se sont cristallisées
au moment de la renégociation des rapports commerciaux qui concernent la
production audiovisuelle, mais aussi les "droits d'auteurs" dont la
définition même est mise en discussion par les nouveaux moyens de
communication.
Cet héritage n'est pas une tradition et n'est pas si vieux. C'est là que le discour de l'exeption culturelle française me gêne beaucoup: il n'est pas assis sur quelque chose de solide et crédible. Il est évident que les intellectuels et les artistes doivent opposer une opposition violente au formatage économique de leurs visions et oeuvres en tant que produits. Mais d'un autre côté, ces gens là ne peuvent tenir un discour historiciste completement erroné: tout en prônant l'independance vis à vis des potentats mondiaux, ils ne peuvent se réfugier sous la bannière du potentat national et se faire subventionner à 100 % pour survivre. Il me semble qu'il y a là quelque chose d'extrêmement malsain qui serait lié à un sentiment patriotique, voir d'identité nationale (forme édulcorée d'un nationalisme inavoué).La stratégie de défense de la culture qui, en France au moins, semble se
dégager de ces premières formes de mobilisation contre le monopole mondial
des grandes entreprises de communication et de "divertissement" américaines,
est celle qui désormais passe sous la définition de sauvegarde de
l'"exception culturelle" .Les artistes et les intellectuels, mais aussi les hommes politiques et les
gouvernements qui revendiquent le droit à l'"exception culturelle" se
veulent les héritiers de la tradition et de l'histoire de la culture
européenne: autonomie et indépendance de l'art et des artistes par rapport
au politique et à l'économique.
La stratégie des tenants de l'"exceptionSi une forme édulcorée d'un nationalisme (ce qui tend à être leur finalités, ils se réfugient au final toujours sous la bannière de la sauvegarde de l'identité nationale) est positif, alors ...
culturelle" semble vouloir utiliser et redéfinir positivement la séparation
entre culture et économie.
Tout à fait, c'est ce à quoi je voulais en venir, en commençant mes commentaires au cours de ma lecture (voir ci dessus)Ce que je voudrais soumettre à discussion avec vous, c'est le fait que cette
position, qui reflète, selon moi, un point de vue plus généralement européen
sur la question, est intenable face aux nouveaux mode production et de
diffusion du savoir. L'hypothèse que je voudrais vous proposer renverse,
d'un certain point de vue, la stratégie de l'exception culturelle et je
pourrais la résumer de cette façon: les modes de production, de
socialisation et d'appropriation du savoir et de la culture sont
effectivement différents des modes de production, de socialisation et
d'appropriation de richesses. Mais selon une intuition de Georg Simmel ce"
sont les modes de production et de socialisation propres à la culture qu'il
faut introduire dans l'économie" , au lieu d'en revendiquer l'autonomie.
Et...
cela, non pas comme une action volontariste, mais parce que, selon cette
foisci, une intuition de Gabriel Tarde la "production intellectuelle" tend à
devenir la forme générale de direction et d'organisation de la production de
la richesse et le "besoin de connaître" et l'"amour du beau et l'avidité de
l'exquis" sont les grands débouchés qui s'ouvrent au développement du
progrès économique.J'utiliserais donc ces deux auteurs et notamment l'Economie psychologique de
Tarde pour étaler mon argumentation. Gabriel Tarde a publié son Économie
psychologique en 1902, il y a un siècle donc. Je voudrais seulement rappeler
que ces formidables anticipations de Tarde ne font pas vraiment partie de la
tradition culturelle européenne, car sa théorie est tombé dans l'oubli.
Pour terminer, si on veut sauvegarder la spécificité de la culture
européenne et son potentiel d'émancipation on ne peut plus se cantonner à la
défense de la culture et à son autonomie, car les valeurs-verité et les
valeurs-beauté sont devenus les moteurs de la production de richesse. En
effet, au fur et à mesure que l'on passe des désir de production et de
consommation qui satisfont des besoins" organiques" à des désirs de
production et de consommation qui satisfont des besoins de plus en plus"
capricieux" et" spéciaux" dont un des plus important est le besoin de
connaissance, les activités économiques et les marchandises mêmes intègrent
les valeurs-verité (les connaissances) et ies valeursbeauté."Ajoutons que le côté théorique et le côté esthétique de tous les biens vont
se développant de plus en plus, non pas au dépens, mais au-dessus de leur
côté utilitaire" (22).Cette conclusion qui pourrait être lu comme catastrophique, car elle montre
une subordination réelle de la production culturelle et artistiques, aux
impératifs économique, est une chance historique, pour peu que on sache la
saisir. Car ici, peut-être pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité, travail artistique, travail intellectuel et travail économique
d'un côté, consommation des marchandises, appropriation des connaissance et
des valeursbeauté, demandent d'être régulées par une même éthique.
Valéry Grancher
vgranger@imaginet.fr
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