Louise Desrenards on Fri, 8 Nov 2013 10:04:12 +0100 (CET)


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[Nettime-fr] Festival international du film Tripoli Liban - 1ere édition


Le texte corrigà (l'autre version complÃtement KO)

conjointement dans www.criticalsecret.net et dans La revue des ressources

LA RÃSISTANCE CULTURELLE COMME SOUVERAINETÃ


ÂÂLes interactions de ce monde je ne les connais pas je ne sais que les dÃcrire les observer jâai la capacità de sentir sous la plume crisser la chaleur ou la circulation invraisemblable imposÃe stupÃfiante et quelquefois mortelle. Je reconnais dans des Ãcrits passÃs la disparition de ce que vu, aimÃ, oà jâai appris à vivre, et cette insulte au peuple dont je suis me radicalise dans des positions forcÃment nettes.ÂÂ

Christophe Huysman, Les chemins de DamasÂ[1]

âA movement is a displacement of a point of view. The persistence of singularities is most obvious in the sensory overload. Fugue states are places where layers of recursion persist. In the most desolate locale, or in the dense visual fields of paintings hung side by side.....in these extremes, at least, the fugue state arises.â

Christina McPhee,Fugue StateÂ[2]

âOf course, for the Americans, the telling conceptual design piece at the moment is the 3D printable gun. But for us, maybe a 3D printed Guy Debord asks more pertinent questions, about where free culture is not in the twenty-first century. I got some negative commentary from the pro-situ crowdâthey still exist. Debord is a bit sacred to them. I have to admit, when somebody suggested turning the design into a candy dispenser even I thought some boundary was being crossed.â

McKenzie Wark, Millennium CandiesÂ[3]

ÂÂVers dâautres trajectoires inachevÃes, vestiges dâautres temps superposÃs, always out of joint, dÃconnectÃs dans lâimmensità dâun parcours qui recommence, nouvelles lignes de fuite aprÃs quelques impasses sinueuses et indociles, tracÃs aux allures de gravures ou dâesquisses insolites.ÂÂ

Olivier Hadouchi, Raconter et commenter un monde en ÃbullitionÂ[4]



Du jeudi 14 au mardi 19 novembre 2013, au Liban, aura lieu le premier opus de lâÃvÃnement Tripoli International Film Festival, pensÃ, imaginÃ, et dirigà par la cinÃaste et artiste Jocelyne Saab à laquelle il a Ãtà confià par lâassociation qui lâorganise et quâelle a co-fondÃe sous le terme RÃsistance culturelle. EntourÃe dâune Ãquipe libanaise de jeunes artistes, communicants, et techniciens, formidables, dÃdiÃs à la rÃsistance culturelle face à la rÃsistance armÃe qui gronde à tous les carrefours du Proche Orient, ici elle montre que si le cinÃma de crÃation et le cinÃma critiques rÃsistent, au sens le plus large, câest par un rÃgime spÃcifique de lâimage.

ÂÂSans mÃme parler des camÃras de surveillance (banques
iconographiques de choix pour cinÃastes expÃrimentaux), les images
sont dÃsormais massivement produites et diffusÃes hors des circuits
commerciaux, par nÃcessità ou par choix. La disponibilità des outils
audiovisuels domestiques se conjugue avec lâextrÃme concentration des
mÃdias, redoutable facteur de paupÃrisation du discours politique
professionnel, pour provoquer une ruÃe vers ce qui reste dâespace
public encore libre et accessibleÂ: internet, radios et tÃlÃvisions
locales, festivals, salles de cinÃma indÃpendantes (â). La diffÃrence
majeure et qualitative entre ces images et celles du commerce, câest
quâelles ne viendront pas à vous, il faut aller les chercher soi-mÃme,
et rien ne sâavÃre plus Ãdifiant quâune telle quÃte.ÂÂ

Nicole Brenez, ÂÂCinÃma activisteÂÂ, Cahiers du cinÃma, juillet-aoÃt 2007.Â[5]
Extrait cità par Pascale CassagnauÂ:
Un pays supplÃmentaire La crÃation contemporaine dans lâarchitecture des mÃdias.

Câest pourquoi seuls des ÃvÃnements majeurs peuvent lâinformer au-delà des cercles qui cherchent à le voir.


Jocelyne Saab a choisi principalement (mais pas seulement) le cinÃma Ãmergent du Proche Orient, de lâAsie, de lâAsie de lâest, et de lâInde.

Olivier Hadouchi, dans ses Carnets dÃdiÃs de Criticalsecret, aux mois de mars et dâavril cette annÃe, nous a instruits à travers le plaisir de le publier, et honorÃs de plusieurs de ses grands entretiens avec des cinÃastes singuliers de la rÃsistance. RÃsistants dâabord dans leur propre capacità de vivre au milieu du chaos ou dâen rÃchapper, par leur Åuvre mÃme ils symbolisent la ÂÂrÃsistance culturelleÂÂ, â nom magique de lâassociation qui organise ce festival, cet aphorisme en deux mots qui dit tout de son objet, câest-Ã-dire rien de ce quâil en est attendu au delà du moyen quâil procureÂ: donc câest un leurre. Mais ce nâest pas un mensonge, tout au contraire la chose nommÃe est si parfaite et dâabord imprÃvisible sous son nom quâon ne peut lui attribuer de reprÃsentation spÃcifique, pour quâelle ait une chance dâexister à sa guise, rose absente de tout bouquet â le temps rÃel de la vie, pas lâutopie. On pourrait penser à tort la rÃsistance culturelle conjointe de la rÃsistance armÃe, parce quâil a pu lui arriver de lâaccompagner. Du moins faire un bout de chemin avec elle puis la quitter sans trahir les amis. En fait, la rÃsistance culturelle mÃne son petit chemin elle-mÃme. Câest la leÃon de Mario Handler, câest la leÃon de Jocelyne Saab, les deux stars/non stars des entretiens que Olivier Hadouchi nous a offerts à dÃcouvrir.

La rÃsistance culturelle ce nâest pas lâarme de propagande ni hurler les mots dâordre. Pourtant, le nom dâentreprendre, ÂÂRÃsistance CulturelleÂÂ, paraÃt en Ãtre. Lâindescriptible, incroyable, vie en mouvement qui pense, et comment se cooptant entre plusieurs elle devient pensÃe de toutes les pensÃes en mouvement. Ce nâest pas un mot dâordre câest un oriflamme, un drapeau de ralliement empathique. En quoi les graphistes qui entourent Jocelyne Saab communiquent une sensibilità graphique particuliÃrement significative de son projet ouvert au multiple.
Une certitude internationaleÂ: seule la rÃsistance culturelle, parce quâelle est une rÃponse pacifique quand la culture est attaquÃe de toutes parts par les armes et par les sociÃtÃs telles quâelles sont devenues, partout dans le monde, peut vaincre, parce que son lieu nâest pas celui du pouvoir mais de lâexistence, celui de la sÃrendipitÃ, lâalÃatoire contre la fatalitÃ.

En rÃalitÃ, cet aphorisme surgit en puissance dâautant plus grande que la guerre fasse la preuve de mener à une impasse, en plus des destructions humaines, sociales, et matÃrielles Ãpouvantables quâelle provoque, ne pouvant plus continuer que jusquâà la consommation totale de son propre armement et des destructions possibles. Câest le cas actuel de la guerre en Syrie et des tentatives de lâexporter dans une des villes dÃchirÃes par lâancienne guerre libanaise, la guerre davantage pour pouvoir se poursuivre plutÃt que sâÃtendre. La mÃcanique de la guerre actuelle est simpleÂ: si la guerre ne peut plus se dÃvelopper en Syrie alors il faut lâexporter pour la continuer, oà nâest pas encore radicalement dÃtruit.

à lâinverse de la guerre dialectique, faÃon de poursuivre la politique par dâautres moyens, ce qui nâest plus le cas des guerres contemporaines, la rÃsistance culturelle demeure quand toute autre rÃsistance, armÃe inclus, a Ãtà rendue impossible par les circonstancesÂ: rÃpression totale, dernier adversaire tombà sur le champ de bataille, catastrophe naturelle ou accidentelle... Alors on ne va pas chercher la culture parce quâelle se rÃvÃle dâelle-mÃme, rÃsurgence ultime, à vouloir vivre humain elle sâimpose en contexte, â quand la vie Ãmerge de son combat avec la mort, et ce nâest pas toujours sâagir dâune guerre.

Elle surgit à la conscience sous la forme dâun dÃsir dâinventer un langage qui parle de nouvelles choses, non comme une mÃmoire de ce quâil faudrait reconstruire, mais comme une chose nouvelle dâinnover à produire autrement chaque instant, quand la mÃmoire est traumatisme. Ainsi la rÃsistance culturelle permet-elle à la mÃmoire de retrouver son calme pour produire la paix et les rÃgles de la paix (leÃons tirÃes du choc de la destruction des pactes sociaux, de la guerre, ou des contextes circonstanciÃs du triomphe politique du pire ou du meilleur pour tous).

La rÃsistance culturelle câest dÃcider de dÃserter la rÃpÃtition automatique du choc, soudain avoir une lueur, pouvoir rÃflÃchir à ce qui sâest passà juste avant et juste aprÃs le choc. Non se replier sur la tradition mais chercher lâexistence dans lâouverture, mÃtamorphoser ce qui reste dans ce qui nous arrive plus loin, ce qui nous parvient de loin pour nous faire penser, aimer encore et innover encore de danser, â danser contre la guerre â plus bruyamment que le bruit de la guerreÂ[6], et dâÃtre les plus nombreux possibles à danser contre la guerre â le public des salles quand il ressent ensemble le cinÃma, ou quand il va au-devant de la culture dans laquelle il se reconnaÃtra peut-Ãtre, ou la mettant lui-mÃme en ouvrage comme un appel vers autrui (le cinÃma nâest-il pas la vision pour autrui, et par là substituÃe, dâune certaine faÃon par la vision dâautruiÂ?)

Le cinÃma comme forme de combat, media des tÃmoignages, rÃflexion sur des sujets fictifs de situations qui ne pourraient Ãtre acceptÃes autrement, et comme lumiÃre sensible du temps, est une arme pacifique extrÃmement puissante quand elle cherche la vie parmi la mort ou ce qui sourit parmi un monde hostile, plutÃt que prouver quelque chose. Et le cinÃma de Jocelyne Saab paraÃt toujours à lâaffut de la vie sensible dans le jour mÃme par rapport à la mÃmoire du jour prÃcÃdent, avec la vision du ciel incertain des lendemains annoncÃs pour ne pas chanter mais sur le chemin desquels chaque instant pourra chanter pourtant. Parce que la vie dÃroule autrement les choses quâelles nâont Ãtà annoncÃes. Ainsi se crÃe le renouvellement des possibilitÃs de la vie ensemble oà les prÃvisions et les volontÃs dÃlibÃrÃes ne lâattendaient pas... Certains appellent cela des miracles.

Câest une femme visionnaire.

Nous lâavons dÃcouverte dans sa passion, son Ãnergie, sa beautà faite de grÃce et dâÃlÃgance, artiste contemporaine et cinÃaste documentariste et de fiction, pendant que le public parisien dont nous Ãtions pouvait voir son Åuvre filmique à la CinÃmathÃque franÃaise, grÃce à un hommage organisà par Nicole BrenezÂ[7] â qui sera PrÃsidente du festival, avec Wassyla TamzaliÂ[8] co-PrÃsidente, à Beyrouth.

Aujourdâhui, exprimant que le Liban culturellement doive rÃsister à travers le monde quâil convoque, dans le titre mÃme du festival, lâassociation RÃsistance culturelle cite Tripoli, la ville libanaise trois fois millÃnaire, rappelle une information prÃalable de la Directrice artistique. Ville pourtant menacÃe de faÃon persistante par lâimminence dâune guerre, à cause de sa situation et de son habitat stratÃgiques. Câest une ville doublement symbolique de la rÃsistance car un immense pÃle urbain postmoderne entrepris par lâarchitecte brÃsilien Niemeyer en 1965 y resta inachevÃÂ[9], la construction sâinterrompant dans lâemportement des armes en 1975... Les ruines de lâarchitecture moderne inachevÃe et laissÃe inhabitÃe sont des ruines autrement â pouvant revivre un jour, plutÃt que dâautres endommagÃes par le feu des armes ayant fait tant de morts sous les dÃcombres quâelles sont devenues des sanctuaires, tel, pour ne pas citer un exemple au Liban, mais sans doute un des pires de la seconde guerre mondiale en Europe, la plupart des quartiers de la ville de Rotterdam dÃtruits par le bombardement des nazis en quÃte de punir le gouvernement nÃerlandais de nâavoir pas capitulÃ, en abattant son port, le premier port du commerce mondial en Europe, le 14 mai 1940, ne fut pas reconstruite avant les annÃes 1990.

Câest un comble de dire à une autre Ãchelle que le bÃtiment qui hÃberge depuis 2005 la CinÃmathÃque franÃaise oà nous avons rencontrà pour la premiÃre fois Jocelyne Saab, au dÃbut de lâannÃe, à Paris, avait lui-mÃme connu un Ãtat dâinachÃvement, commande à lâarchitecte international Frank Gehry dâun nouveau bÃtiment pour lâAmerican Center, maÃtre dâouvrage qui soudain avait refusà dâen achever la construction et de sây installer, le trouvant inhabitable, en 1993. Ce furent lâÃtat et la ville qui finalement achetÃrent ce bÃtiment en suspens devenu, par lâaudace de sa structure, sa situation dans un parc, sa signature et son statut inhabitÃ, une sorte de monument ou plutÃt de folie Ãnigmatique, pour le confier à Dominique Brard afin de le rÃamÃnager, à vocation de la CinÃmathÃque. Ainsi lâÅuvre de GehryÂ[10] dans le nouveau quartier de Bercy trouva-t-elle dans sa nouvelle fonction la beautà citoyenne dâune intÃgration sociale imprÃvue.

Irons-nous à Tripoli�

Tout aura lieu. Extramuros si nÃcessaire.

Construire, dÃtruire, construire, penser le monde à travers lâart filmique qui le transforme pour pouvoir le montrer, câest aussi le dÃfi fÃministe de Jocelyne Saab dans un Liban qui refuse lâÃternità fatale de la guerre et rÃsiste par la personnalità de quelques femmes à lâentropie de la misogynie communautariste.

On pense à la fluidità des genres et des espÃces permÃables des dieux et des dÃesses antiques qui poursuivent dâinspirer les mouvements de ceux et celles autour desquels nous aimons nous rassembler au-delà des reprÃsentations, parce que leur plasticità professionnelle ou relationnelle les rend opportuns oà quâils soient sans trahir leur conscience.

Non seulement penser son propre cinÃma mais penser son cinÃma parmi le cinÃma des autres cinÃastes et les rassembler pour leur gloire, avec le mÃme courage hÃroÃque, et la mÃme grÃce poÃtique dans lâart de convoquer les talents par le sien propre. Cette magie du cinÃma, est à la fois sÃduction et ancrÃe dans un pragmatisme que seuls les cinÃastes qui se sont confrontÃs au grand reportage, ou à des tournages de films de fiction dans des pays aussi dÃchirÃs que ceux oà Jocelyne Saab a tournà ou rÃalisÃ, ou encore des cinÃastes que de trop grandes ambitions ont prÃcipità vers leur propre destruction mais qu purent en rÃchapper pour poursuivre de filmer ce quâils avaient dans la tÃte, aussi bien que les cinÃastes martyrisÃs soudain revenus pour voir et montrer sous un autre Ãclairage parfois le bonheur parfois la misÃre, aprÃs les bombes, entre deux dictatures, sous lâÅil du vautour ou du Grand FrÃre, oubliÃs des bureaucraties Ãcrasantes, dÃpourvus de lâargent de lâÃchange, au-delà des souffrances ou des dÃceptions.

Sous les chemtrails partout câest la guerre.

Lâironie critique du cinÃma est antho-ontologiqueÂ: ce nâest pas tant de crier des mots dâordre de la rÃsistance que dâen signer le geste, non pour soi mais pour prouver aux autres que le fait est bien lÃ, quâil existe et que dâautres signes pourront exister, câest un encouragementÂ: un don. Manifester lâexistence du monde comme une dynamique singuliÃre, tandis que des pouvoirs sâacharnent à le faire disparaÃtre, câest tout au contraire, et par nature, le rÃvÃler. Câest donc lâempÃcher de disparaÃtre, câest-Ã-dire à les gÃner, à les empÃcher en quelque sorte sans le vouloir dans leurs desseins. Un ÃvÃnement de la rÃsistance culturelle câest un rassemblement. Un rassemblement du cinÃma dans le cadre de la rÃsistance culturelle, câest quand il se trouve, se choisit, se coopte, en assumant sa discipline sans corporatisme. La rÃsistance culturelle, câest quand le cinÃma sâÃchappe à lui-mÃme, quand il devient plus fort que lui. Câest la souverainetà culturelle, lâombre dâAthena.

A. G. C.Ââ
Source criticalsecret.netÂ[11]


Voir le programme complet tÃlÃchargeable en pdf

et la suite dans La revue des ressources



http://www.larevuedesressources.org/novembre-9-19-2013-resistance-culturelle-festival-international-du-film-tripoli-liban,2655.html



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