Louise Desrenards on Thu, 1 Jul 2004 22:40:26 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] Post-modernité : Les stars féminines engagées / JEAN SEBERG


L A   M O R T   D E   J E A N   S E B E R G
par Simon Guibert et Yvon Croizier



    Jean Seberg fut toujours beaucoup plus une icône qu'une comédienne. De
son apparition désastreuse dans le rôle titre du Jeanne d'Arc de Preminger
(1958), à la béatification de son visage par Godard dans À bout de souffle.
De son statut d'experte de la mode dans les années 1960, à son travail
périscolaire avec les Panthères Noires, la carrière d'actrice de Seberg fut
toujours dans l'ombre de sa présence culturelle. Sa participation à de
prestigieuses productions comme Bonjour Tristesse, les films de ses époux ou
de grands succès comme l'Aéroport n'ont pu changer la perception publique de
Seberg comme une belle poupée, un peu dérangée, sur laquelle les hommes -
Preminger, Godard, Romain Gary, les Black Panthers - ont déversé leurs
obsessions souvent misogynes.
    Dans l'utopie des années soixante, trois comédiennes ont incarné l'
engagement critique des femmes dans la politique et les grands enjeux de
leur époque : Jane Fonda, Vanessa Redgrave et Jean Seberg. Mais si, malgré
son engagement contre la guerre du Vietnam, Fonda était protégée par le nom
illustre de son père partie prenante de l'histoire des Etats-Unis, et par
son statut de femme autonome sous la star, puis richissime, le travail de
Redgrave avec l'OLP fit fondre comme neige au soleil les propositions de
travail qui lui étaient faites. Et Seberg ? Elle fut harcelée et pourchassée
sans relâche par le FBI jusqu'à l'ultime diffamation concernant la paternité
de son enfant.

Ce fut trop pour elle, elle en est morte. Comment ? Pourquoi ?





    Un esprit rebelle qui intéresse
    plus le FBI que les studios hollywoodiens


Jean Seberg aurait sans doute pu devenir une actrice incontournable mais
elle ne semblait pas s'intéresser particulièrement au cinéma. Elle cherchait
quelque chose de plus fort et le trouva dans la vie et non sur l'écran. Elle
éprouva de la fascination pour les héros de la seconde guerre mondiale et
notamment André Malraux, pour qui elle avait un petit faible, et Romain
Gary, qu'elle épousa. Son rejet de l'injustice la conduisit à s'engager dans
des combats auprès de minorités raciales, apportant aide et fonds aux
indiens et au mouvement révolutionnaire noir américain des Black Panthers.
Elle fut alors suivi de près par le FBI (filatures, mise sur écoute
téléphonique, tentatives d'intimidation) qui décida de la déstabiliser en
organisant une campagne de presse diffamatoire : le père de son enfant
serait un des chefs du Black Panthers. Cette campagne haineuse et mensongère
ouvrit une blessure si profonde que l'actrice ne s'en remit jamais. Elle
accoucha d'un enfant mort-né qu'elle fit porter en terre dans un cercueil de
verre afin que la presse internationale vît que la peau de l'enfant était
blanche. Personne ne fit attention à son appel à l'aide le 29 août 1979
lorsqu'elle téléphona à des proches pour leur dire, terrifiée, qu'elle était
prise dans le plus grand réseau de drogue d'Afrique du Nord et qu'il fallait
immédiatement venir à son secours car elle pouvait à tout moment être tuée.
Tout le monde a pensé à un nouveau délire de l'actrice. Une grave erreur.

Le lendemain, Ahmed Hasni, le dernier mari de Jean Seberg, déclara au
commissariat qu'elle avait quitté son domicile du XVIe arrondissement de
Paris, nue, avec un plaid et une bouteille d'eau. Ce jour-là, dans un
quartier pourtant bien surveillé, personne ne paraissait l'avoir remarquée.

Dix jours plus tard, on retrouva le corps de Jean Seberg sur la banquette
arrière de sa voiture, caché sous un plaid. D'après les résultats d'autopsie
l'actrice avait 8 grammes d'alcool dans le sang. Une telle dose ne pouvant
être ingurgitée, l'alcool n'a pu qu'être injecté en intra-veineuse. Une mort
bien mystérieuse. On sait que Jean Seberg, battue par Hasni avait déjà fui
et tentée plusieurs fois de se suicider. Mais les nombreuses fréquentations
douteuses de la comédienne qui venaient parfois la faire chanter pour lui
soutirer de l'argent, les officiels qu'elle gênait voire irritait et le
dernier appel au secours, qui faisait état de trafiquants de drogue,
crédibilisent la thèse de l'assassinat.

Deux jours après, son ex-époux Romain Gary donnait une conférence de presse
à Paris au cours de laquelle il accusait officiellement le FBI de meurtre...
Reste aujourd'hui la réalité des faits : cette femme libre aura affronté
avec courage les grands enjeux sociaux et politiques de son temps.



La mort de Jean Seberg
Diffusion le mardi 6 juillet 2004 de 15hrs à 16hrs 30
Rediffusion le samedi de 23 hrs à 24hrs 30

Sur FRANCE CULTURE ondes hertziennes, ou disponible sur le site
de www.radiofrance.fr le jour même de la diffusion et ensuite...
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/vifdusujet/

Dans la série « Le Vif du Sujet », proposée par Alexandre Héraud,

Une émission de Simon Guibert
réalisée par Yvon Croizier.

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