rizhome on Fri, 30 Jan 2004 17:01:41 +0100 (CET)


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[nettime-fr] Terra : appel a manifestation d'interet


T.E.R.R.A. (Travaux, Etudes et Recherches sur les Réfugiés et l’Asile)
Réseau international francophone de spécialistes des migrations forcées,
réfugiés et asile.
Site : http://terra.rezo.net


APPEL A MANIFESTATION D’INTERET


" Stigmatisation, mise à l’écart et enfermement des nouveaux migrants dans
les pays occidentaux et zones limitrophes (demandeurs d’asile, réfugiés,
déboutés du droit d’asile, sans-papiers) "


Cet appel à manifestation d’intérêt a pour objet d’étude les lieux
d’enfermement et camps de regroupement des nouveaux migrants, qu’ils
soient demandeurs d’asile, réfugiés, sans-papiers (déboutés du droit
d’asile ou n’ayant pas demandé l’asile). Le domaine est vaste : il
comprend l’identification de ces sites et dispositifs d’enfermement, de
regroupements forcés ou de mise à l’écart ; l'étude des situations et
relations sociales à l’intérieur de ces espaces ; l’examen de leurs
contextes historiques et sociaux d’apparition et notamment les évolutions
politiques qui les rendent possibles ; l’analyse des facteurs et
stratégies orientant les politiques qui conduisent à la création de tels
lieux ; la compréhension des causes de leur multiplication durant
certaines périodes de l’histoire et notamment aujourd’hui en occident et
dans sa périphérie ; l’observation des mouvements d’opinions publiques et
des mobilisations sociales face à ce phénomène de multiplication ;
l’interprétation de ses relations avec d’autres transformations des
sociétés occidentales ; l’inscription dudit phénomène dans le champ des
relations internationales…

Cet appel à manifestation d’intérêt n'implique aucune restriction
disciplinaire et s'adresse très largement à l’ensemble des spécialistes de
sciences sociales. Il n’implique pas, non plus, de restriction statutaire
et concerne tant les universitaires, chercheurs professionnels et
apprentis chercheurs que les personnes de divers organismes, associations
et institutions, travaillant sur ces questions dès lors qu’ils recourent
aux méthodes et outils d’analyse issus des sciences sociales et se situent
dans un registre d’analyse et non de seule dénonciation.

L’étude des lieux d’enfermement et mise à l’écart des migrants (camps de
regroupement, zones d’attente, etc.) nécessite à la fois des études de cas
portant sur tel ou tel lieu ou dispositif et des efforts de comparaison.
En particulier, cette investigation collective ne peut faire l’économie
d’un travail de classification. Le mot " camps " à lui seul ne rend pas
compte de la diversité des situations : certains camps sont fermés,
quasi-carcéraux, d’autres sont ouverts mais néanmoins contraignants voire
incontournables. L’enfermement relève aussi de " zones d’attentes ", de "
centres de rétention ", " d’hébergement " (éventuellement forcé), parfois
d’une prise en charge humanitaire d’urgence. Certains lieux sont
institutionnalisés tandis que d’autres paraissent plus incertains,
improvisés à la hâte à l’occasion d’un afflux de migrants. Le provisoire
peut-être durable comme on le constate pour bon nombre de camps de
réfugiés dans le monde, mais, il peut être aussi stratégiquement éphémère
pour éviter toute focalisation médiatique ou mobilisatrice. Ces sites
peuvent être définis juridiquement ou relever de " régimes " d’exception ;
refléter une banalisation politique et technocratique de la mise à l’écart
des migrants ou bien une extension des " zones grises " de non droit à
l’intérieur même des Etats de droit. Les camps varient aussi au regard des
conditions de vie et de respect des droits humains : on va des formes
d’hôtellerie imposée voire quasi-carcérale… à des camps déjà indignes de
l’humanité même si aucun amalgame ni rapprochement n’est acceptable avec
des camps évoquant un génocide quel qu’il soit. Comment désigner ensemble
ces lieux et ces camps sans dériver soit vers l’outrance verbale de
comparaisons illégitimes soit vers celle des euphémismes qui fleurissent
aujourd’hui dans les discours politiques et technocratiques ? Quelles en
sont les caractéristiques sociales, économiques, juridiques et en quoi
permettent-elles de les comparer, de les réunir conceptuellement mais
aussi de les différencier ? Comment vit-on dans ces lieux d’enfermement et
camps de regroupement ? Comment sont vécues ces situations par les
personnes concernées et quelles sont leurs réactions à ces situations ?

La mise à l’écart et l’enfermement des étrangers n’apparaît pas seulement
avec les murs, les palissades ou les barbelés de tel ou tel camp. Hier
comme aujourd’hui, la multiplication des lieux d’enfermement et des
espaces de regroupement semble être un phénomène social global, de longue
période, international, reflétant des mutations profondes dans les
sociétés concernées, leurs cultures, leurs institutions. Les pays
occidentaux, notamment européens, ont pu se croire prémunis contre ce
genre d’évolution par certaines tragédies du passé. Mais ces croyances
résistent-elles à l’investigation historique sur le devenir des lieux et
dispositifs d’enfermement des étrangers dans la seconde moitié du
vingtième siècle ? L'histoire et notamment l'analyse des conditions de
genèse des dispositifs actuels d'enfermement et de regroupement forcés
sont à restituer. Par ailleurs, il est nécessaire de disposer d’études
pouvant éclairer les conditions actuelles de multiplication des camps de
migrants au regard d’évolutions plus larges, dans la dernière décennie,
les systèmes politiques, les mouvements d’opinions publiques, les
mutations idéologiques notamment des classes dirigeantes, les débats
médiatiques… dans les sociétés occidentales. Que dévoile sur ces sociétés
la banalisation des formes de mise à l’écart, de regroupement et
d’enfermement des migrants ? Comment se sont construits les
représentations sociales actuelles relatives aux nouveaux migrants et les
stigmates dont ils sont aujourd’hui porteurs (faux-réfugiés donc
tricheurs, parasites et envahisseurs, facteurs d’insécurité, etc.) ?
Comment passe-t-on dans les politiques publiques occidentales  de la
stigmatisation à la criminalisation des nouveaux migrants ? Les
mobilisations sociales sont également à examiner. On s’interrogera, par
exemple, sur la place qu’occupent ces enjeux dans les mouvements
altermondialistes. Quelles sont les organisations non gouvernementales
concernées, quels alliés et quelles audiences trouvent-elles, comment
réagissent-elles aux évolutions récentes et quels obstacles
rencontrent-elles dans leurs actions ?

Etudier la multiplication des lieux d’enfermement en tant que phénomène
occidental n’implique aucune restriction territoriale tant la portée du
phénomène excède évidemment ce cadre géographique. On le voit avec les
politiques européennes dites " d’externalisation de l’asile " : leur
influence dépasse les frontières des Etats qui les conduisent. En amenant
les Etats voisins puis, plus largement, les Etats " partenaires "
(notamment dans les programmes de coopération, aide au développement et
action humanitaire) à faire le travail de rétention, enfermement et
expulsion des migrants en transit, s’opère une externalisation non plus de
l’asile mais de la répression et de l’enfermement des migrants. D’un côté
la carte des délivrances de visas démarque la zone des individus pouvant
circuler dans le monde entier de celle des individus cantonnés aux pays
non occidentaux ; de l’autre côté celle des lieux d’enfermement et
regroupement des migrants gomme la frontière même de l’occident qui
sous-traite et transfert ces activités dans les pays tiers. Par suite, le
phénomène commence à apparaître comme problème public dans certains pays
d’origine ou de transit des migrants. Quelques positions gouvernementales
sont prises contre les pays occidentaux, leurs politiques de visa,
d’expulsion et d’enfermement ? Des mobilisations sociales se font jour
contre l’influence occidentale et parfois simultanément contre la
soumission volontaire des autorités nationales ou locales à cette
influence. Cette inscription des pays d’origine ou de transit dans le
champ de recherche se justifie aussi par la proportion considérable de
réfugiés, migrants forcés et autres déplacés accueillis par les pays non
occidentaux. On peut donc s’interroger sur l’incidence des enjeux
migratoires dans les relations entre les pays occidentaux et les autres
pays. S’agit-il d’un nouveau " rideau de fer " qui tombe avec son chapelet
de conflits locaux et de morts aux frontières de l’occident ? Que
produisent les mobilisations liées à ce clivage international, qu’elles
soient gouvernementales, militaro-policières ou sociales et politiques,
sur les sociétés concernées ?

___________________________

Répondre à l’appel : Les responsables du programme TERRA (Travaux, Etudes
et Recherches sur les Réfugiés et l’Asile, http://terra.rezo.net)
participent collectivement ou individuellement, pour les années 2004 et
2005 à la préparation de plusieurs projets de manifestations (un colloque,
une ou plusieurs journées d’étude…) et de publications (deux numéros de
revues, un ouvrage collectif…) relatives à la mise à l’écart et à
l’enfermement des nouveaux migrants (demandeurs d’asile, réfugiés,
déboutés du droit d’asile, sans-papiers) en Europe. Le présent appel à
manifestation d’intérêt concerne l’ensemble de ces projets et donnera lieu
éventuellement à d’autres initiatives en fonction des réponses obtenues.
L’appel s’adresse aussi aux éditeurs et responsables de revues souhaitant
publier sur ce thème.

Cette démarche vise à identifier et à mettre en relation les personnes,
probablement encore peu nombreuses, travaillant sur le sujet. Elle permet
de les informer des projets en cours suffisamment tôt pour que des
propositions ad hoc puissent être avancées au bénéfice de ces projets.
L’objectif est aussi de mieux associer aux colloques, numéros de revues et
ouvrages collectifs les jeunes chercheurs souvent plus nombreux à
travailler sur ces enjeux actuels. Une autre finalité est de décloisonner
les disciplines au sein des sciences sociales et de créer des synergies
favorables à la mise sur agenda académique de ce domaine de recherche.
Enfin, cet appel, adressé à toutes les personnes travaillant sur ce
domaine et souhaitant recourir aux outils analytiques des sciences
sociales, devrait permettre d’associer des compétences aux origines
statutaires très diverses. Les manifestations d’intérêt, propositions
d’articles, de communications et autres projets de publications, formulées
librement et de manière concise, sont à envoyer dans les plus brefs délais
par Email à l’adresse suivante :

valluy@univ-paris1.fr

Les responsables du programme TERRA :
Michel AGIER (IRD, CEAf-EHESS)
Didier BIGO (IEP Paris, CERI)
Annie COLLOVALD (Paris 10, LAPS)
Smaïn LAACHER (EHESS, CEMS)
Luc LEGOUX (Paris 1, CEPED, Migrinter)
Jérôme VALLUY (Paris 1, CRPS)


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