François Matheron on Wed, 28 Jan 2004 22:18:00 +0100 (CET)


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[nettime-fr] Numéro 15 de Multitudes


Bonsoir à tous,

J'ai le plaisir de vous informer de la parution du numéro 15 de Multitudes,
disponible en librairie ou à l'adresse suivante :

http://www.difpop.com

--
Multitudes
numéro 15 -- hiver 2004


----------------------------------------
EN TÊTE
----------------------------------------
Éric Alliez, Brian Holmes & Maurizio Lazzarato
Construction vitale.

----------------------------------------
ICÔNES I
----------------------------------------
The Atlas Group
Already Been in a
Lake of Fire.

----------------------------------------
MAJEURE.
Art contemporain : la recherche du dehors
----------------------------------------
Suely Rolnik.
L'altérité à ciel ouvert : le laboratoire poético-politique de Maurício Dias & Walter
Riedweg.
--
Flora Loyau.
Détournement de l'art et des médias pour une efficacité politique : l'exemple de Gran
Fury.
--
The Yes Men
Solution textile.
--
Jordan Crandall
Vision armée.
--
Ursula Biemann
Performing the border : sur le genre, les corps transnationaux et la technologie.
--
Olivier Nottellet / Antonia Birnbaum
La machine à dessiner / Espaces en folie.
--
Bureau d'Études
Machines de resymbolisation : réflexions à partir du travail d'Öyvind Fahlström.
--
Marko Peljhan /
Brian Holmes
Makrolab.

----------------------------------------
INSERT
----------------------------------------
Yves Citton
Études littéraires et multitudes : les conséquences de Diderot.

----------------------------------------
ENCART
----------------------------------------
Extrait de la quatrième maquette-sans-qualité.

----------------------------------------
ICÔNES II
----------------------------------------
Thomas Feuerstein
fiat :: individus radicaux - camarades sociaux.
Avec une introduction de Romana Schuler
--
Joël Bartoloméo
Revue de presse.
--
Page Sucker
Logo.gif / territoires.
--
David Goldblatt
Dainfern.
--
Jean-Luc Moulène
Documents / Produits de Palestine.
Suivi d'un texte de Brian Holmes
--
Dorothee Golz
Dessins.

----------------------------------------
MINEURE
la créativité au travail
----------------------------------------
André Gorz (entretien)
Économie de la connaissance, exploitation des savoirs.
--
Maurizio Lazzarato
Créer des mondes : capitalisme contemporain et guerres « esthétiques ».
--
Marion von Osten
À double tranchant : créer une exposition-projet sur les transformations
contemporaines de la créativité.
--
Anne Querrien
Le capitalisme à la sauce artiste.
--
Yann Moulier Boutang
Les limites de la sociologie démystificatrice de l'art.

----------------------------------------
HORS CHAMPS
----------------------------------------
Thierry Secretan
Aux origines de l'apartheid.

----------------------------------------
LIENS
----------------------------------------
Brian Holmes
L'auteur évanouissant, ou les stratégiesde la liberté.





--
Suely Rolnik.
Le laboratoire poético-politique de Maurício Dias & Walter Riedweg
--
-- Les dispositifs de Maurício Dias & Walter Riedweg mettent le monde en ouvre. Pas n
'importe quel monde, ni n'importe quelle ouvre. Les mondes dans lesquels ils opèrent
se situent aux marges de l'univers prétendument garanti du capitalisme mondial
intégré. Ce sont des excroissances produites par la logique même du régime, qui
augmentent chaque jour sur l'ensemble de la planète : une existence qui expose l'
altérité à ciel ouvert. Le matériau des deux artistes est précisément cette altérité
radicale, présente dans des zones où le tissu social s'effiloche, à cause de tensions
non affrontées entre des univers incompatibles. Dans ces dispositifs, macro et
micropolitique s'articulent en une seule et même action mue par l'affect politique et
artistique, dont les dynamiques deviennent indissociables.
-- The devices of Maurício Dias & Walter Riedweg put the world to work. Not any
world, not any work. The worlds in which they operate are located on the fringes of
the supposedly guaranteed universe of integrated world capitalism. They are
outgrowths produced by the very logic of the regime, which swell every day across the
face of the planet : an existence exposing otherness to the open sky. The raw
material of the two artists is precisely this radical otherness, present at points
where the social fabric unravels, due to unrecognized tensions between incompatible
universes. In these devices, micro and macropolitics are articulated into a single
action driven by political and artistic affects, which are activated inseparably.

--
Flora Loyau.
Détournement de l'art et des médias pour une efficacité politique : l'exemple de Gran
Fury.
--
-- Basé sur l'exemple de Gran Fury - collectif new-yorkais actif dans la lutte contre
le Sida entre 1987 et 1994 - ce texte, à travers l'analyse du rapport aux médias et
au monde de l'art, pose la question des outils et stratégies activistes développés
dans les années 80 et de leur éventuelle actualisation. Quels rapports à la
diffusion, au marketing, à l'esthétique publicitaire, au monde de l'art, aux
financements institutionnels, etc. peut entretenir un activisme cherchant une
efficacité immédiate dans les champs politiques et sociaux ? Comment articuler, dans
une pratique artistique, une valeur symbolique et une valeur d'usage ? Quelle
position revendiquer, en tant qu'acteur culturel, pour soutenir de telles pratiques ?
-- Based on the example of Gran Fury - a New York collective active in the struggle
against Aids from 1987 to 1994 - this text analyzes the relation between the media
and the art world, to ask the question of the activist tools and strategies developed
in the eighties and their possible renewal today. What relations to distribution,
marketing, advertising aesthetics, the art world, institutional financing, etc. can
be maintained by an activism seeking immediate effectiveness in the social and
political fields ? How can one articulate symbolic value and use value in an artistic
practice ? What position to claim, within the cultural sphere, to support such
practices ?

--
The Yes Men.
Solution Textile
--
-- Dans son allocution à la conférence « Fibres et Textiles pour l'Avenir » à l'
Université de Tampere en Finlande, Hank Hardy Unruh de l'OMC explique aux « citoyens
transnationaux » les bienfaits de la liberté et du travail délocalisé : après tout,
le Sud des États-Unis, grand producteur de textiles en son temps, n'a rien gagné en
faisant appel à un esclavagisme local. Seulement, le travail à distance exige une
surveillance rapprochée, et ouvre de ce fait un nouveau marché, pour lequel l'OMC
propose une « solution textile »... En se faisant passer pour des représentants du
nouvel ordre mondial auquel entrepreneurs et technocrates ne cessent de dire « oui »
, les Yes Men créent une forme extrêmement efficace de théâtre invisible, intervenant
dans des situations réelles et diffusant à travers divers médias leur critique, drôle
et précise, de l'idéologie néolibérale.
-- In his speech to an assembly of « corporate citizens » at the conference « Fibers
and Textiles for the Future » at the University of Tampere in Finland, Hank Hardy
Unruh of the WTO explains all the advantages of freedom and remote labor. After all,
the American South, a great producer of textiles in its time, gained nothing from its
localization of slavery. But remote labor demands close-up forms of surveillance and
therefore creates a new market, for which the WTO proposes a « textile solution » ...
By passing themselves off as the representatives of an unbearable new world order to
which businessmen and technocrats have not ceased to assent, the Yes Men create an
extremely effective form of invisible theater, intervening in real situations and
using various media to deliver their parodic and precise critique of neoliberal
ideology.

--
Jordan Crandall.
Vision armée
--
-- Nous concevons le développement de la photographie selon un axe horizontal : l'
appareil sur un trépied, l'objectif qui regarde l'étendue de la terre. La narration
cinématographique suppose cette horizontalité. Mais très tôt l'appareil d'
enregistrement a été transporté verticalement en l'air. La vision militarisée, avec
son mode narratif propre, commence quand les prises de vue d'en haut sont rassemblées
en bases de données et analysées pour y déceler des mouvements, afin de prédire leurs
évolutions probables. Il s'agit de pister certains objets, de les cibler, de les
détruire. L'arrivée de l'ordinateur et des communications en réseau autorise le
développement fulgurant d'une vision entièrement consacrée à ces processus de pistage
et de ciblage, qui n'offre plus d'images à notre réflexion spéculaire - qui n'est
plus « pour nous ».
-- We conceive the development of photography along a horizontal axis : the camera
mounted on a tripod, the lens looking out at the expanse of the earth.
Cinematographic narrative is based on this horizontal gaze. But quite early on the
recording device was transported vertically into the air. Militarized vision, with
its own specific narrative mode, begins when the images from above are assembled into
a database and analyzed to reveal movements, in order to predict their most probable
future course. The aim is to track certain objects, to target them, to destroy them.
The arrival of computers and networked communications permits the accelerated
development of a form of vision entirely devoted to these processes of tracking and
targeting, which no longer offer images for our specular reflection - a form of
vision which is no longer « for us. »

--
Ursula Biemann.
Performing the border : Sur le genre, les corps transnationaux et la technologie
--
-- La vidéo d'Ursula Biemann, Performing the border, enquête sur les conditions de
vie et de travail des femmes dans la vaste arrière cour de l'économie américaine au
sud de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Prenant comme point de départ
une publicité de la société Elamex qui vend la main d'ouvre féminine au prix d'un
dollar l'heure, la vidéaste montre que la construction sociale et technique de la
frontière s'étend jusqu'à la sexualité de celles dont la « performance » est vantée
dans l'image. Si le récit d'une femme « coyote » - ou passeur de frontière - permet d
'envisager des sorties possibles de ce système de contrôle, l'histoire des meurtres
en série autour de la ville mexicaine de Juarez pose des questions inquiétantes
concernant la sérialisation de la vie humaine pour la fabrication de marchandises
hi-tech (ordinateurs, etc.).
-- The video by Ursula Biemann, Performing the border, explores the living and
working conditions of women in the huge industrial backyard of the American economy
just south of the US-Mexico border. Taking her departure point from an ad of the
Elamex corporation selling female labor for one dollar an hour, the videomaker shows
that the social and technical construction of the border extends all the way to the
sexuality of those whose « performance » is exalted in the image. Although the story
of a « coyote » woman - an expert at illegal boundary crossing - allows one to
imagine a possible escape from this control system, it is the account of the serial
killings around the Mexican town of Juarez that raises the most disquieting questions
about the just-in-time production of human lives for the assembly of hi-tech
merchandise (computers, etc.).

--
Olivier Nottellet / Antonia Birnbaum.
La machine à dessiner / Espaces en folie
--
-- Nous tendons à disposer du sensible, l'art nous redispose au sensible, à une
attention pour ce qui passe inaperçu, reste inaudible, n'est pas vu, demande à être
lu. Olivier Nottellet dessine en plaçant ce moyen sous le signe d'une réversibilité
paradoxale. Il met en jeu la mobilité, la décomposition et l'instabilité de l'espace
comme du regard de ceux qui le traversent. Le trait, le volume, le contour, le signe.
Le carnet, l'espace blanc de la page, le noir d'encre, les objets, les personnages,
les formes organiques et abstraites, le mur, la pièce, l'architecture. L'atelier d'
Olivier Nottellet, ce sont tous les moyens et les éléments du dessin, par lesquels il
ouvre à une exploration dont les composantes se soustraient à toutes les remises en
ordre qui les menacent : celle du sens, celle de la cohérence, celle de l'échelle,
celle de l'imitation.
-- We tend to dispose of the senses, of the concrete, art redisposes us towards the
senses, it hones our attention for what goes unnoticed, unheard, unseen, what stays
unread. Olivier Nottellet draws by placing this medium under the sign of a
paradoxical reversibility. He brings in mobility, decomposition and the instability
of space and of the gaze of those who cross it. Line, volume, contour, sign. Drawing
block, white page space, ink black, objects, persons, organic and abstract forms,
wall, room, architecture. The workplace of Olivier Nottellet is all the means and
elements of drawing, through which he frees all these components from constraint.

--
Bureau d'Études.
Machines de resymbolisation  : Réflexions à partir du travail d'Öyvind Fahlström
--
-- Cartographier les rapports de force constitutifs du capitalisme mondial, en
donnant une tournure figurative à des informations précises : ces ambitions
rapprochent le travail d'Öyvind Fahlström, dans les années 60-70, de celui de Bureau
d'Études aujourd'hui. Dans les deux cas il s'agit de renforcer des mouvements de
contestation. Mais le projet d'Université populaire ou de Parlement alternatif
contenu implicitement dans la démarche de Fahlström n'a pas abouti. Déconstruire l'
ordre symbolique actuel et le resymboliser autrement suppose l'invention de nouveaux
agencements sociaux avec une efficacité pragmatique. À l'horizon de son travail de
cartographie Bureau d'Études voit non seulement la critique en actes du «
gouvernement mondial », mais également la constitution d'une « république d'
ndividus » productive et coopérative, s'auto-organisant à l'échelle planétaire, en
exode par rapport à toute souveraineté étatique.
-- Mapping the power relations that constitute world capitalism, while lending a
figurative twist to precise information : these ambitions are shared by the work of
Oyvind Fahlström, in the 60s-70s, and Bureau d'Études today. In both cases the aim is
to support oppositional movements. But the project of a popular university or an
alternative parliament that was implicit in Fahlström's approach did not come to
fruition. Deconstructing the current symbolic order and resymbolizing it differently
requires the invention of new, pragmatically effective social networks. On the
horizon of their mapping work, Bureau d'Études sees not only an active and
transformative critique of « world government » but also the constitution of a
productive and cooperative « republic of individuals, » self-organizing on a
planetary scale, in exodus from any state sovereignty.

--
Marko Peljhan / Brian Holmes.
Makrolab
--
-- Deux courts articles racontent le concept et le programme du Makrolab. L'idée d'
une scène mobile, qui puisse servir non pas pour des représentations mais pour un
travail sur le réel, vient à l'esprit de l'artiste slovène Marko Peljhan pendant une
journée ensoleillée de 1994 sur l'île de « Krk » , au large de la Croatie alors en
guerre. Il s'agit de poursuivre un travail artistique en prise directe avec l'
évolution de la technique, au-delà des cadres nationaux défaillants. «
Théâtre-laboratoire dans le temps », le Makrolab est une architecture nomade,
démontable et transportable, habitée par des équipes d'artistes et chercheurs qui
explorent l'environnement naturel, les migrations des animaux et des êtres humains,
et les événements du spectre électromagnétique, abordé comme la face invisible de l'
espace politique mondial.
-- Two short articles recount the concept and program of Makrolab. The idea of a
mobile stage that could be used not only for representation but for work with reality
came in a flash to the Slovene artist Marko Peljhan one sunny day in 1994 on the
island of « Krk, » off the coast of Croatia which was then embroiled in war. The goal
was to pursue an artistic experimentation in direct contact with the latest technical
developments, beyond the failing frameworks of the nation-state. The Makrolab, a «
Laboratory-Theater in Time, » is a nomadic architecture that can be disassembled and
transported. It is inhabited by teams of artists and researchers who explore the
natural environment, the migrations of animals and human beings, and the events of
the electromagnetic spectrum, conceived as the invisible side of the world political
space.

--
Yves Citton.
Études littéraires et multitudes : les conséquences de Diderot
--
-- Cet article se propose de nouer deux questions : comment peut-on approcher le
processus de constitution des multitudes en communautés ? Et : quel rôle peuvent
jouer les études littéraires à l'âge de l'Empire ? Pour déjouer leur excessive
généralité, on suit de près la récurrence d'un mot (celui de « conséquence ») dans un
texte éminemment singulier de Diderot, Le Rêve de d'Alembert. À travers la richesse
littérale des résonances que l'on y trouve, l'approche littéraire s'y définit comme
une mise à jour des programmes (à entendre dans les connotations informatiques de ce
terme) qui assurent la reproduction de nos formations sociales. Suivant les effets
(les « conséquences ») qu'elle produit, la rencontre entre un texte et un cerveau
toujours singulier peut jouer (ou non) un rôle régulateur significatif dans le procès
permanent de (re)constitution des multitudes en communautés. Le désarroi frappant
actuellement critiques littéraires et enseignants de littérature doit mener à une
redéfinition de leur pratique qui mette les multitudes en position de producteurs,
plutôt que de récepteurs, de la littérarité de demain.
- This article attempts to tie two questions together : how to approach the process
that constitutes multitudes into communities ? And : what role can literary studies
play in the age of Empire ? To overcome the abstraction of these questions, the
article closely follows the return of the word « consequence » in Diderot's text, D'

Alembert's Dream. Through the wealth of echoes provided by a few quotes, the literary
approach comes to be defined as a coming to light of the programs (to be heard in
their IT connotations) which engineer the reproduction of our social life. Depending
on its effects (on its « consequences »), the encounter between a text and a brain
can play (or fail to play) a significant regulating role in the permanent process of
(re)constitution of multitudes into communities. The disarray in which literary
critics and teachers alike find themselves today should lead to a redefinition of
their activity which would put the multitudes in position to be the producers, rather
than the receivers, of tomorrow's literarity.

--
extrait de la quatrième maquette-sans-qualité
--
-- Entre des images de portes de prison, anciennes ou absentes, ici, là-bas, des
fragments de correspondance avec une femme kurde, Leyla Zana, bel et bien rejugée à
Ankara devant la Cour de Sûreté de l'État, après la condamnation de la Turquie devant
la Cour Européenne des Droits de l'homme, l'auteur de ce travail tourne autour et
retourne des matériaux d'un film non réalisable. L'évasion, un film qui ferait grève,
la poétique et géopolitique de la traduction entre le Kurde, le Turc, le Français. Et
toujours la question des femmes disparues : difficile icône des disparues.
-- Moving in between images of prison gates, ancient or absent, here, there,
fragments of correspondence with Kurdish women who were indeed re-tried before the
State Security Court, after Turkey was condemned by the European Court of Human
Rights ; the author of this work works and reworks materials of an unrealizable film.
Escape, a film on strike, the poetics and geopolitics of translation between Kurdish,
Turkish and French. And always the question of the lost women : the difficult icon of
the disappeared.

--
André Gorz.
Économie de la connaissance, exploitation des savoirs (entretien réalisé par Yann
Moulier Boutang et Carlo Vercellone)
--
-- Dans cet entretien avec Yann Moulier-Boutang et Carlo Vercellone, André Gorz
développe trois points cruciaux de son analyse du sens et des enjeux de la mutation
exprimée par le concept de capitalisme cognitif : le premier a trait à la
redéfinition des mécanismes de l'exploitation et des processus d'émancipation
puisque, dès lors que le travail n'est plus mesurable en unités de temps et que l'
auto-exploitation acquiert une fonction centrale dans le processus de valorisation,
la production de subjectivité devient un terrain de conflits central ; le deuxième
point est inhérent à la nécessité d'opérer une distinction précise entre la notion de
connaissance, par essence objective et formalisable, et la notion de savoirs, par
essence vivants et vécus ; le troisième point concerne les raisons subjectives et
objectives qui font en sorte que le capitalisme cognitif se présente comme la crise
du capitalisme contenant en germe un autre modèle de société.
-- In this interview with Yann Moulier-Boutang and Carlo Vercellone, André Gorz
elaborates on three crucial points of his analysis of the significance of the
mutation inherent in the concept of cognitive capitalism : first, the redefinition of
the mechanisms of exploitation and the processes of emancipation, since when labor is
no longer measurable in units of time, and when self-exploitation takes on a central
function in the process of valorization, the production of subjectivity becomes a
central site of conflicts ; second, the importance of making a precise distinction
between the notion of knowledge, which is objective and formalizable by essence, and
the notion of « know-how » or intellectual capability, which is by essence something
alive and experienced ; third, the subjective and objective reasons why cognitive
capitalism appears as a crisis of capitalism, containing the seed of another model of
society.

--
Maurizio Lazzarato.
Créer des mondes : Capitalisme contemporain et guerres « esthétiques »
--
-- L'entreprise multinationale tend à abandonner l'usine, en gardant uniquement les
fonctions, services et employés qui lui permettent de créer le monde où la
marchandise existe. Les agences de publicité inventent la dimension spirituelle de l'
événement, qui doit s'incarner dans les corps, motiver les comportements. Mais cette
relation sociale est contradictoire avec la logique des biens communs (connaissance,
langage, ouvre d'art, science, etc.). Ceux-ci résultent de la coopération, ils sont
indivisibles, infinis, inappropriables : le bien commun assimilé par celui qui l'
acquiert ne devient pas sa « propriété exclusive ». La résistance à l'appropriation
capitaliste des biens communs sera efficace si elle assume le primat de la
coopération entre cerveaux sur la relation capital-travail. C'est ici que pourront se
définir des nouveaux objectifs et des nouveaux terrains de lutte.
-- The transnational business tends to give up its factories, keeping only the
functions, services and employees that allow it to create the world where the
commodity exists. Advertising agencies invent the spiritual dimension of events,
which must be embodied to motivate behavior. But this kind of social relation is
contradictory to the logic of commun goods (knowledge, language, art works, science,
etc.). These spring from cooperation, they are indivisible, infinite, they cannot be
appropriated : a common good assimilated by a user does not become his « exclusive
property. » Resistance to the capitalist appropriation of common goods will only be
effective if it recognizes the primacy of cooperation between minds over the
capital-labor relation. This is where new objectives and new fields of struggle can
be defined.

--
Marion von Osten. À double tranchant.
Créer une exposition-projet sur les transformations contemporaines de la créativité
--
-- Dans le contexte d'une évolution de la société marchande vers un impératif du type
« Sois créatif ! » , où chaque individu devient l'entrepreneur de sa créativité, cet
article étudie les transformations de cette notion dans le cadre des «
installations » comme jadis des « performances » : comment le fait d'organiser une
exposition-projet est-il déjà un acte de création coopérative, une « appropriation »
de l'espace public ? Comment peut-on déjouer ou subvertir l'impératif de fournir des
contenus au marché de la culture ?
-- In the current trend of the market society towards an injunction aimed at all
citizens to « Be creative !, » an injunction which reveals that the individual is
being reconfigured as the entrepreneur of his or her own « talent » or «
creativity, » this article studies the evolution of the notion of creativity through
the practice of installations. How is the montage of a project exhibition itself an
act of cooperative creation ? An appropriation of public space ? How can one outwit
or subvert the imperative to furnish content to the culture market ?

--
Anne Querrien.
Le capitalisme à la sauce artiste.
--
-- Relu en marge de la lutte des intermittents, le livre de L. Boltanski et E.
Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme, apparaît prémonitoire dans l'analyse d'un
travail organisé par projets d'une durée de plus en plus courte. Mais les défauts de
protection sociale qui en résultent sont imputés à la recherche par la critique
artiste d'une liberté individuelle et expressive, et non à la réorganisation en
profondeur du capitalisme. La recherche de solutions se fait par analogie avec les
réglementations qui protègent le salariat, le revenu garanti notamment.
-- Read again in light of the current French social conflict around the part-time
theater and cinema workers, the book by L. Boltanski and E. Chiapello, Le nouvel
esprit du capitalisme, seems to have been quite prescient when describing work as
organized more and more through short-term projects. But the lack of social security
in this system is supposed by the authors to come from the artist-critics who were
interested mostly in individual freedom and expressivity, more than from the
infrastructural organization of capitalism. Solutions are sought by analogy with the
rules that protect salaried workers, particularly the idea of a guaranteed income or
social wage.

--
Yann Moulier Boutang.
Les limites de la sociologie démystificatrice de l'art.
--
-- Portrait de l'artiste en travailleur de Pierre Menger trace un portrait fidèle de
la précarisation du marché du travail artistique au sens large. L'interprétation
théorique qui en est donnée soulève toutefois des problèmes. Au lieu de définir les
« métamorphoses du capitalisme » comme il l'annonce, l'auteur fait des valeurs de
création, d'autonomie des « justifications » d'une exploitation accrue. L'évolution
du travail vers un paradigme artistique et cognitif à partir d'une évaluation de la
mutation du capitalisme actuel est finalement esquivée.
-- Pierre Menger's Portrait of the artist as a worker gives a faithful portrait of
the increasing precariousness of the market of artistic labor, in the broad sense.
However, the theoretical interpretation he provides is not without problems. Instead
of defining the « metamorphoses of capitalism » as he purports to do, the author
construes the values of creation and autonomy as « justifications » of an increased
degree of exploitation. The evolution of labor towards an artistic and cognitive
paradigm, which could be conceived on the basis of an evaluation of the mutation of
the present form of capitalism, is ultimately missed by his analysis.

--
Thierry Secretan.
Aux origines de l'apartheid
--
-- Autour d'une série de clichés anciens pris parmi les peuples bantous, Thierry
Secretan restitue l'enquête singuliére qu'il a menée dans les camps (compounds) où
est parquée la main d'oeuvre noire des mines d'or du Rand, autour de Johannesbourg. L
'utilisation des « pass » pour contrôler les mineurs noirs y a préfiguré sa
généralisation dans le cadre de la politique de l'apartheid. De 1904 à 1939,
Alfred-Martin Duggan-Cronin, un irlandais gardien d'un de ces camps, a commencé à
photographier les différentes composantes de la main d'ouvre mobilisée pour le
harassant labeur minier ; il en a résulté 7 200 clichés et tirages de travail bruts,
au format du négatif 13 / 18. L'Irlandais exposa des centaines d'aggrandissements, à
partir de 1925, dans une galerie ouverte dans sa propre maison à Kimberley. Ces
clichés ont été retrouvés par Thierry Secretan en 1998, il a entrepris de les
sauvegarder : ils constituent un extraordinaire et unique catalogue, encore en
danger, des cultures bantoues.
-- Presenting a series of historical portraits of Bantus, Thierry Secretan recounts
his investigation into the compounds that housed the black labor of the gold mines of
the Rand, around Johannesburg. The use of a « pass » to control the black miners
prefigured the apartheid system. From 1904 to 1939, Alfred-Martin Duggan-Cronin, an
Irish guard at one of the compounds, began to photograph the different kinds of
people doing the hard labor in the mines. The results were some 7 200 exposures and
working prints, on 13 / 18 cm negatives. Hundreds of enlargements were exhibited from
1925 onward in a gallery in his own home in Kimberley. These photographs were
rediscovered in 1998 by Thierry Secretan, who is still attempting to save them from
slow destruction : they constitute an extraordinary catalogue of the Bantu cultures.

--
Brian Holmes.
L'auteur évanouissant ou les stratégies de la liberté
--
-- François Deck est artiste, enseignant, habitant de Grenoble, inventeur des «
banques de questions ». Son travail, qui existe sous la forme de protocoles de débat
directement engagés dans la coopération linguistique, interroge les rapports que les
habitants d'une ville (ou d'une institution) entretiennent avec leur environnement
bâti (matériel ou immatériel). Cet article retrace différent projets de
questionnement collectif que Deck a initiés sur le territoire grenoblois, dans un
rapport toujours problématique à la décision démocratique, telle qu'elle est réalisée
en dernière instance par des administrations. Malgré les obstacles qui apparaissent
tout au long de ce parcours, l'autorité constituée semble céder du terrain au
processus constituant d'un contre-pouvoir - ou à la fluidité d'un jeu de société.
-- François Deck is an artist, a teacher, an inhabitant of Grenoble and the inventor
of the « question banks. » His work takes the form of debate procedures directly
involved in linguistic cooperation ; these are used for inquiries into the relations
that the inhabitants of a city (or an institution) maintain with the built
environment (material or immaterial). This article retraces various projects of
collective question that Deck has initiated on the urban territory of Grenoble, in an
always problematic relation to democratic decision-making, as ultimately carried out
by administrations. Despite the obstacles that spring up throughout this itinerary,
constituted authority seems to give ground before the constituent process of a
counter-power -- or the fluidity of a social game.






 
 
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