BlueScreen on Tue, 7 Oct 2003 19:49:22 +0200 (CEST)


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Re: [nettime-fr] Bulletin critique du jour ‹ A un ami


> Pardon, entre deux voyages, un commentaire élargi en mini-essai sur la
> magnifique tautologie revenant à plusieurs reprises  et sous différentes
> occurrences des infos des listes durant le mois de septembre, foin de Nuit
> Blanche ‹ sans la maudire :
> 
>             « CRÉÉR [OU RE-CRÉÉR| DU SENS À L'ÈRE NUMÉRIQUE »

Bonjour

De retour de voyage, j'aimerais pour ma part reporter qq notes (d'une traite et sans 
relecture, je m'en excuse d'avance, on est là loins du mini-essai) à propos du colloque 
du même nom (Créer du sens à l'ère numérique) à Paris (paris8) du 24 au 26 
septembre par h2ptm.

Ces qq jours de rencontres, qui se voulaient rassembler artistes et chercheurs autour de 
la question du sens à l'ere numérique avec en filigrane la thématique à la mode sur les 
rapports art-science.
[jusque là tout va bien...]

Le titre, au vus de la création numérique contemporaine, me semblait pertinent, et 
critique (donc polémique) à condition qu'il se finisse par un point d' interrogation: 
CRÉÉR DU SENS À L'ÈRE NUMÉRIQUE?
[jusque là tout va bien...]

En effet ce qui caractérise (malheureusement) un grand nombre d'installations 
technologiques se disant artistiques aujourd'hui est l'absence de sens qui en résulte.
Si nous voyons des artistes qui utilisent les différents médiums artistique en tant que tel 
et pour créer des oeuvres pertinentes, nous pouvons aussi très régulièrement observer 
des créations loin de tout sens et sans aucun enjeu, qui peuvent se résumer à de la 
pure démonstration technologique. (Ou de l'expérimentation, mais on est en 2003, c'est 
un peu tard il me semble...)
Se basant certainement sur le manque de recul du public face à la création numérique, 
et sur l'effet de nouveauté, ces oeuvres ne font que présenter les possibilités 
(techniques) qu'offre le numérique, sans les exploiter dans une création qui aurait un 
intérêt façon autonome.
Le seul enjeu serait alors l'appropriation par l'artiste de nouvelles technologies...
Mais pour en faire quoi?
Certaines expositions orientés numériques donnent ainsi à mes yeux l'impression de 
visiter un foire exposition, montrant ce qu'il est technologiquement possible de faire, 
aux antipode d'expositions présentant des oeuvres pertinentes en tant que créations 
artistiques.

Alors en effet, un colloque, posant cette question avait à mes yeux un intérêt: dégager 
sens (résultant d'une utilisation pertinente de moyens technologique) et réutilisation de 
la technologie pour elle même, au coeur de la création contemporaine.

Revenons à cette manifestation parisienne, ne se voulant visiblement pas de poser la 
question (absence de point d'intérogation du titre), et qui laissait présager la 
présentation de réponses positives, soit d'approches du médium numériques 
génératrices de sens.
[jusque là tout va bien...]

Ce qui en résulte globalement fut exactement le contraire, entre vague présentation de 
pratiques usant des technologies, et présentation d'exemples flagrant de non sens.

Commençons par l'exposition qui accompagnait les différentes conférences proposées. 
Exposition, qui au vus de la déclaration "CRÉÉR DU SENS À L'ÈRE NUMÉRIQUE" 
semblait avoir l'ambition de présenter des oeuvres révélant un usage judicieux et 
créatif des technologies.
Si quelques (rares) pièces, vraiment pertinentes, étaient dignes d'intéret, (en particulier 
ScenArio de Michaël Stellam ou encore Métatextes de Tim Catinat) elles côtoyaient 
bon nombre d'exemples de démo technologiques, d'usage de moyens numériques plus 
ou moins novateurs pour eux mêmes, ne dégageant de ce fait absolument aucun sens, 
ou pire un non sens flagrant.
[jusque là tout va bien (je commence à avoir des doutes)...]

Un ensemble de quelques dalles sensitives (gros boutons plats posés au sol), 
provoquant le lancement aléatoire de sons lorsque l'on y pose les pieds et voulant 
proposer, au delà du ludique, un parcours (aléatoire??). Une collection de créatures de 
synthèse 3D sur CD-Rom sur lesquelles il était possible d'opérer des translation et 
zoom  et autres rotation (bref une synthèse 3D point barre) voulant "convier le 
spectateur à vivre une expérience créative à part entière en découvrant par le tactile un 
monde aux lois physique inédites". (Je n'ai pas plus perçu les lois physiques que le 
tactile hormis le fantastique contact très plastique de la souris et du clavier). Un siège 
équipé de capteurs permettant a l'utilisateur qui aura la patience de se tortiller dessus, 
de se déplacer virtuellement au coeur d une surface 3D vide (ah non il y avait une 
sphère et un rectangle) affichée sur un écran, tout en faisant varier la spatialisation 
(relative) d'un son dans l'espace (Démonstration plaisanteet très convaincante des 
possibilités offertes par la spatialisation sonore et par l'utilisation de capteurs, mais il 
faudrait peut être en faire quelque chose qui à un intérêt artistique non?). 
Bon j'en passe, inutile de s'étaler là dessus.

Le plus amusant avec ces pièces est le discours de leur créateurs lorsqu'ils étaient 
invités à les présenter (ou le cas contraire ce que nous pouvons en lire dans le 
catalogue). Un formidable vomit de sens escompté, souvant sans rapport (ou alors à 
contre-sens) avec les pièces présentées...

Ah... je commence à comprendre, le sens à l'aire numérique, serait il de placer 
artificiellement et à l'aide de joli phrases des couches de sens sur un objet 
technologique se voulant artistique qui lui, n'en évoque aucun?

C'est ce que semblait révéler un assez grand nombre d' interventions d'artistes.
De temps en temps une intervention plus intéressante permettait de retenir une phrase, 
une bribe d'idée novatrice...

Je n'ai pas vu toutes les interventions, il parrait que j'en ai loupé des intéressantes... 
possible (pas de chance).

Heureusement que la programmation de performance live (bd4d, Atau Tanaka, Antoine 
Schmitt), relevait l' intérêt général de la manifestation.
(le sens émanerait il de l'absence de paroles?)

Passons au summum de ce colloque: la table ronde de clôture:
Thème: " la création numérique est-elle une forme de recherche? "
Invités: DERRICK DE KERKHOVE (en visio conférence)
JEAN-PIERRE BALPE,
MAURICE BENAYOUN, 
JEAN-LOUIS BOISSIER, 
MANUELLA DEBARROS, 
PAUL KAHN,
IMAD SALEH,

[...le plus dur c'est pas la chute, c'est l' atterrissage]

Alors là je suis peut être totalement naïf (je commence à le croire) mais j'espérais 
quand mme tirer qq chose d'intéressant de la conférence de clôture tel colloque .

Cette table ronde devait commencer par une intervention en visio conférence de 
Derrick de Kerkhove.

Idée en soit intéressante si, les organisateurs ne s'était pas entêté à vouloir faire cela 
en visio conférence...

< Parenthèse: Arrêtez la visio conférence en public! >

Alors là message à ceux qui sont susceptible d' organiser de telle manifestation.
(clin d'oeil à ceux qui ont essayé de suivre le débat lors de la venue de vuc cosic à 
beaubourg)
Arrêtez de vous entêter à faire de la visio conférence parce que le sujet est le 
numérique et que ça fait "techno"!
Le net est puissant pour un tas de choses mais il faut s'en donner les moyens!
Si vous tenez mordicus à une visio conférence louez un canal numéris.
Sinon oubliez le numérique 30 secondes, tirez un simple câble téléphonique et diffuser 
ça directement.
Parce que le public s'en fout de faire high teck, s'en fout que ça passe par un ordinateur 
et par le réseau Internet.
Par contre le public ne s'en fout pas de se déplacer pour entendre une voix qui pourrait 
provenir de la station mire, entrecoupée de blancs de transmission...
(Pour ce qui est de l'image, de toute façon elle est toujours coupée au bout de 5 
minutes pour essayer de récupérer un peu la qualité catastrophique de la voix...)
Bref, faire passer un discours dans une telle aberration technologique, c'est 
certainement la meilleure façon de le dénuer de tout sens!

</ Parenthèse: Arrêtez la visio conférence en public! >

Bref on a eut le droit à une belle démonstration de flop technologique, avec l'attente qui 
va avec, pour aboutir à une visio conférence sans image, et un son d'outre tombe 
entrecoupée de blanc toute les 6 secondes.
(Que Jean Pierre Balpe à nommé avec bcp d'humour une expérience ds années 20 
(tsf))

C'est bien dommage parce ce ce qui fut massacré par l'inutile technologie déployée 
constituait certainement l'élément le plus intéressant et porteur de sens de cette 
conférence de clôture.

Ce fut en effet visiblement le seul texte préparé, de plus de 5 minute et avec un 
contenu réfléchit et constructif.

On peut aussi noter les différentes interventions de Jean Pierre Balpe, courtes mais 
sensées, sans lesquelles ce pseudo débat n'aurait vraiment eut aucun sens.

L'introduction du débat par Balpe consistait d'ailleur à mes yeux les seules choses 
digne d' intérêt de l'heure qui suivit la tsf-performance de  Derrick de Kerkhove, soit le 
fait que émerveillement technologique en création artistique n'était plus intéressante, et 
qu'il fallait arrêter la technologie pour la technologie.
Bref belle tentative de lancer la discussion et de la relancer dans le cadre de ce 
colloque...
Malheureusement si la discussion avait été pertinemment lancée, elle s'est vite 
effondrée...

Retour au galères technologiques pour poser une question à Derrick de Kerkhove. Là 
ça frise le comique, lorsqu'on tente de poser un micro sur un téléphone portable pour 
avoir la réponse de Derrick.
(Mais c'est bien les gars, vous commencez à être sur la bonne voie, laissez tomber les 
ordis revenez au téléphone...)

On à ensuite droit à une intervention de Benayoun qui nous raconte une anecdote sur 
des problèmes de communication comparables 15 jours avant...
La suite est du même acabit, pas grand chose à en tirer.

On arrive à la palme du non sens, soit l'intervention de Jean-Louis Boissier, qui valait 
tellement le détour que je ne peux m' empêcher de vous la retranscrire mot pour mot (à 
partir d'un enregistrement sonore):

"Bon je... je sais pas trop quoi dire mais j'ai entendu là Derrick de Kerkhove. Euhhh je 
me suis souvenu d' ailleurs qu'il avait tenté il y'a une quinzaine d'années un 
performance qui a été un flop total au centre de commerce extérieur ici à Paris ou des 
milliers de gens s'étaient déplacés et que la connexion n'avait jamais était établie. Euh, 
non il disait que... on, la pensée était liée à la parole et que nous ne pouvons penser 
que en parlant. C'est ce que je tente de faire, c'est à dire a essayer de commencer de 
penser en parlant de tout et de rien. Mais comme j'ai vu que en fait il y'a un circuit de 
rétroaction de feedback, j'ai peur que ma tête explose parce que si j'entendais le 
téléphone sonner chez Deric de kerkof alors qu'il était ici à coté de nous... Euh non, je... 
je sors aussi d'une soutenance de DEA dont le thème était la... à la fois le vide et la 
panne. Et qui concernais la question des arts des nouvelles technologies. Et euh, la 
candidate elle avait regardé un peut tout les aspect de cette panne, de ce vide. Euh et 
donc dans ce juris un de nos collège nous rappelait, je crois que c'est... j'avoue que là 
j'ai été subitement ignorant, mais euh, entre autre, je crois que on pouvait rappeler euh 
que Adorno considérait que la création commençait là ou communication s' arête et  
peut être même que les conditions pour l'art c'était d'interdire la communication. Euh, je 
crois me souvenir aussi que Jaen François Lyotard, quand on travaillait avec lui pour 
les imateriaux insistait beaucoup sur ce... Il était extrêmement méfiant, on va dire à 
l'égard des nouveaux médias et en particulier de l'interactivité et il considérait que la 
seule manière de promouvoir l'art c'était là aussi de s'opposer à la communication. 
Dans le..., sur le... alors pour ce qui est du sens... là petit à petit la machine se met en 
route... euh... pour moi c'est, en fait je me souvient la aussi de  de cette phrase de Jean 
Luc Godard qui considérait que le cinéma pouvait continuer à s'opposer à ce qu'il 
appelle, ce qu'il appelait la soupe informatique, la bouillie informatique en disant que ce 
qui donnait du sens au cinéma c'était le sens de déffilement de la pellicule, dans le 
projecteur. [Grand blanc (23s) / pas de réactions]"

Un peu plus tard Maurice Benayoun essaye d'égaler Boissier dans l'art de prendre la 
parole pour ne rien dire (de scencé):

"C'est bon, je suis en train de faire ce que faisait Jean Louis tt à l'heure, c'est à dire je 
prend le micro, et en même temps je suis en train de voir si je peut mettre du sens 
derrière les mots que je prononce histoire de maintenir la conversation et la discussion. 
Ce matin je parlais de la réduction fatique de la communication et effectivement on est 
très très souvent là... vous savez c'est le commentateur sportif qui passe son temps par 
exemple à dire oui oui il va se passer qq chose d'extra ordinaire vois inquiétez pas, ça 
vient... Et là on est la dedans et je crois que cette situation d'attente, elle est très très 
importante et dans la création le.. évidemment d'un coté le message crée du sens 
comme une injonction est qq chose qui peut paraître complètement péremptoire 
effrayant, et ça relèverait pour certain  d'une conception du discours comme relevant 
de la révélation et de la vérité annoncée. Néanmoins, je crois effectivement comme l'a 
rapplé jean pierre tt à l'heure que l'idée ici ds le cadre de ce colloque était de poser la 
question de pourquoi une certaine insatisfaction devant un certain type de production.... 
... ..."

La suite des interventions est pratiquement de même acabit. Au bout de 45 minutes 
d'un tel naufrage de sens, quelqu'un dans le public réagit: (public qui commençait 
quand même à avoir un peu l'impression qu'on les prenait pour des cons) 

"Il est certain que quand on a en face de nous des véritables papes du numérique 
quelque fois lorsque on entend que "une des position de l'art c'est d'interdire la 
communication" dixit Adorno ou Lyotard on peut aussi dire c'est Lacan qui le disait, que 
la communication ça n'existe pas, alors à partir de ce genre de constat on est 
complètement frustré, bloqué et on a plus rien à dire. Alors le but du jeu c'est quand 
mme d'essayer d'avancer..."

Bref, cette réaction n'aura (pas plus que les différentes tentatives de Balpe de relancer 
le débat) pas réussi à sauver cette discussion de café du naufrage dans le non sens 
total et à été suivit peu de temps après par une intervention emballée de Benayoun, 
nous exposant ses goûts personnel:

"l'art cinétique ne m'intéresse pas,
m'intéresse pas des jeux formels comme ça avec les couleurs,
le formalisme, les jeux formels, personnellement ça ne m'intéresse  pas,
ça m'intéresse  pas les choses de vasaraelly,
même si on les faisait en dynamique et qu'elles bougeaient dans tous les sens en 3D, 
en 12d,
j'en aurait vraiment rien à foutre,
j'en aurait rien à foutre parce que ça ne m'aide pas à comprendre le monde,
j'en aurait rien à foutre parce que ça ne me fait pas plaisir,
ça ne me crée aucune satisfaction qui justifie que que je reste un peu plus longtemps 
sur cette  planète,
j'en ai rien à foutre parce que ça ne m'aide pas résoudre mes problèmes,
j'en aurait rien à foutre parce que c'est vrai que je ne comprend pas mieux ni l'autre ni 
les autres,"

Là c sur on a fait avancer le débat
J'espère que ça a intéressé quelqu'un, moi non franchement j'en ai rien à foutre.

Bref je vais m' arrêter là, j'ai déjà passé trop de temps à écrire ces lignes sur cette table 
ronde qui n'en valait pas la peine...
70 minutes de non sens à l'ere numérique...

Non, pas la peine d'avoir fait 300 bornes pour voir ça. 
Malheureusement en tant qu'invité je n'ai pas payé le colloque, du coup je n'ai même 
pas eut le plaisir d'essayer de me faire rembourser pour erreur sur la marchandise: j'ai 
vu l'ere numérique, le sens je le cherche toujours...

PS:
Toutes mes excuses pour les fautes de fraçais, ça à déjà été assez pénible de suivre ce 
colloque, de réécouter les enregistrement, et d'écrire (d'une traite) ce petit compte 
rendu, je ne survivrait pas à sa re-lecture.

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