Louise Desrenards on Thu, 10 Apr 2003 11:12:12 +0200 (CEST)


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[nettime-fr] un poil d'histoire


1/, 2/, 3/.


1/
Aujourd'hui, en ligne dans le popup contre la guerre à l'accueil de
http://www.criticalsecret.com

­ citation d'un article de La Tribune de Genève à propos de l'Irak (cliquer
dans le sommaire à \ Journal 09-04_2003)

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2/
Pour ceux qui se posent simplement la question du raisonnement philosophique
pertinent à propos de ce qu'il peut convenir de penser sur la guerre d'Irak,
voici un texte inédit politique et très "éclairant" (c'est le cas de le dire
puisqu'il repart de Emmanuel Kant d'une part de François Chatelet d'autre
part et cite Deleuze, dans un raisonnement d'une rigueur et d'une subtilité
sans faille), et inédit de René Schérer.

Un de Baudrillard sur la question de la pensée révolutionnaire aujourd'hui
suivra dans le site n°10,
ainsi que un de Mckenzie Wark sur la question post-impériale, la semaine
prochaine...

Prière de faire suivre intégralement et sous le nom de son auteur
(la référence à criticalsecret non obligatoire serait sympathique)

« LA RAISON ÉGARÉE *
par
René Schérer


                   Il faut inverser le mot célèbre : « ce n¹est pas une
erreur, c¹est une faute ». Aujourd¹hui, il faut dire : « encore plus qu¹une
faute, c¹est une erreur  ».

Une erreur, non seulement un mauvais calcul, une fausse appréciation des
choses, mais un mauvais usage de la raison, et, avant tout, une conception
erronée de la raison. Un vice du raisonnement, un vice logique, une
confusion mortelle entre la raison et "avoir raison". Et la subordination
des opérations de la raison à la transcendance d¹un Vrai et d¹un Bien
affirmés comme tels avant tout examen, toute preuve. L¹outrecuidance.
     Le « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » dont on
s¹est tant moqué, qui revient sur la scène mondiale et qui se répète, à la
fois comme farce et comme tragédie.
     On se souvient peut-être encore d¹une déclaration de George W. Bush au
lendemain du 11 septembre 2001 : « Nous sommes si bons, pourquoi nous
hait-on tant ? ». A quoi il convient d¹ajouter : « J¹ai tellement raison,
pourquoi les choses me donnent-elles tort ? »

C¹est pourquoi il est tellement utile, aujourd¹hui, de relire et de repenser
des textes qui disent précisément ce qu¹est la raison et quelles sont ses
limites, comment le plus grand danger qu¹elle puisse courir est celui de
s¹égarer dans l¹outrecuidance de l¹avoir raison, de tomber dans les bévues,
qui procèdent toutes de son dogmatisme, de son incapacité à s¹ouvrir aux
autres, et à se placer du point de vue d¹autrui. Ce que le philosophe Kant
considérait comme le principe même de la "raison éclairée", de la culture.
Les erreurs actuelles témoignent d¹un incommensurable, d¹un effrayant manque
d¹ouverture et de culture.
    Kant, justement.
    Il est temps aujourd¹hui de relire et de méditer ces belles pages de
Kant qui répondent, si prémonitoirement, à nos préoccupations : elles
introduisent aux considérations sur la possibilité de l¹établissement d¹une
« paix perpétuelle », dont le suprême et unique principe, la condition de
possibilité (transcendantale en quelque sorte) est « l¹hospitalité
universelle ». 
   Mais, avant l¹énoncé de ce principes, il y a celui des Articles
préliminaires dont certains dictent des conditions impératives, "au sens
strict", dit Kant, ou, en latin, leges srtrictae.
    « Article 5 : aucun Etat ne doit (allemand soll qui indique une
obligation morale) s¹immiscer de force dans la constitution et le
gouvernement d¹un autre Etat  ».
Et voilà comment Kant justifie cette loi : « Quelle raison, en effet, peut
l¹y autoriser ? Le scandale peut-être que cet Etat donne aux sujets d¹un
autre Etat. Il peut, bien au contraire, servir d¹avertissement par l¹exemple
des grands maux qu¹un peuple s¹est attirés par son anarchie ; d¹ailleurs,
d¹une manière générale, le mauvais exemple donné par une personne libre à
une autre (en tant que scandalum acceptum) ne constitue pas une lésion de
cette dernière. »
    Je m¹arrête d¹abord ici : alors que l¹on vante tant le "droit
d¹ingérence", Kant émet un rappel à l¹ordre. Surprenant d¹abord, venant de
la part d¹un universaliste auquel on aurait plutôt tendance à reprocher le
caractère absolu de ses impératifs inconditionnels. Mais, là, au contraire
(on en expliquera plus loin les raisons), est mise en avant l¹inadmissible
présomption d¹une croyance unilatérale à avoir raison, à être seul détenteur
de la vérité et du bien, caractéristique des démocraties occidentales et de
l¹Amérique en particulier.
    Historiquement, ce qu¹il vise, c¹est la condamnation par l¹Europe des
monarques, de la révolution française qui fait "scandale" et qui donne
l¹exemple de "l¹anarchie". Mais il dit aussi que ce n¹est pas une véritable
"lésion" . Remarque qui peut être d¹ailleurs étendue à d¹autres sortes de
"scandales", à cette tendance contemporaine à considérer des opinions ou des
mots comme une "violence" relevant du droit pénal, comme si c¹était une
agression réelle.
    Je poursuis : « Il est vrai qu¹il ne faudrait pas faire rentrer ici le
cas où un Etat, par suite de divisions intérieures, se partagerait en deux ;
chaque partie représentant pour soi un Etat particulier qui prétendrait au
tout ; fournir de l¹aide à l¹une ne pourrait valoir pour un Etat étranger
comme une immixtion dans la constitution de l¹autre (car il y a anarchie). »
    Donc, en commentaire, Kant présente ici le seul cas où l¹intervention
est justifiée : qu¹une rébellion interne existe, qui appelle une aide
extérieure, mais avec la réserve suivante, précisant qu¹il faut que cette
révolte ait abouti d¹abord à un résultat tangible : « Toutefois, tant que ce
conflit intérieur n¹est point résolu, cette ingérence de puissances
étrangères serait une lésion des droits d¹un peuple luttant seulement contre
son mal intérieur, et ne dépendant d¹aucun autre ; ce serait bien là donner
lieu à un scandale et rendre incertaine l¹autonomie de tous les Etats ».
Précision à entendre de la manière suivante : il n¹est pas question de
s¹imposer à des gens qui entendent se libérer tout seuls. Une telle "aide"
ne saurait être fondée de droit.
    A cet article impératif peut être associé, impératif également, le
premier (Article 1.) qui interdit de se réserver « matière à guerre
future », en « ayant la mauvaise intention » de recommencer à la première
occasion ; traitant cette manière de « procédé qui relève de la casuistique
des jésuites et qui est au-dessous de la dignité des souverains ».

Or, ces manquements au principe inconditionnel du droit qui est le respect
d¹autrui comme personne et de sa liberté découlent d¹un principe concernant
non seulement le droit international (celui qui traite des relations entre
Etats considérés comme personnes morales), mais d¹un droit cosmopolite (jus
cosmopoliticum) en vertu duquel les sujets de tout Etat sont traités comme
"citoyens du monde".
    Ce droit ‹ un nouveau droit, car il n¹existe pas réellement encore ‹ est
celui dont le principe (article définitif ) « doit se restreindre aux
conditions de l¹hospitalité universelle » ; ce qui signifie que la terre, en
droit, appartient à tous et qu¹il n¹y aucune raison de droit d¹interdire tel
endroit ou tel autre à quiconque. Droit qu¹a l¹étranger à ne pas être traité
en ennemi.
   Condition qui semble bien générale, bien restreinte (en effet) au sens où
elle ramène une grande complexité à une simplicité enfantine, une naïveté,
ou une abstraction inoffensive. Comment tout le droit international peut-il
être une simple question d¹hospitalité ( et d¹hospitalité "restreinte" à la
visite) ? C¹est ce qui est, chez Kant, à problématiser.
    « Or, comme les relations (plus ou moins étroites ou larges) prévalant
désormais communément entre les peuples de la terre, en sont au point qu¹une
violation du droit en un seul lieu est ressentie partout ailleurs, il
s¹ensuit que l¹idée d¹un droit cosmopolitique n¹apparaît plus comme une
manière chimérique et exagérée de concevoir le code non écrit, aussi bien du
droit public que du droit des gens, pour réaliser le droit public de
l¹humanité en général et par suite la paix perpétuelle dont on ne peut se
flatter de se rapprocher sans cesse qu¹à cette condition ».

Hospitalité comme principe absolu et universel signifiant que tous les
peuples se supportent côte à côte, ne cherchent ni à changer le régime
d¹autrui ni à l¹envahir. Au fond, ce qui offre l¹hospitalité universelle,
c¹est la terre entière : « personne n¹ayant originairement le droit de se
trouver à un endroit de la terre plutôt qu¹à un autreŠ le droit à la surface
appartient en commun à l¹espèce humaine ». Le « droit de visite » est celui
« qu¹a tout homme de se proposer comme membre de la société, en vertu du
droit de commune possession de la surface de la terre, sur laquelle, en tant
que sphérique, ils ne peuvent se disperser à l¹infini ».
    C¹est un droit qui, apparemment, devrait permettre à n¹importe qui de
s¹installer n¹importe où, mais qui, précisément, par un effet en retour,
interdit de s¹installer là où quelqu¹un est déjà. C¹est pourquoi il n¹y a, à
l¹égard des Etats déjà installés que droit de visite, et que le premier
exemple donné de conduite inhospitalière est celui de la colonisation : la
visite devient conquête.


Je parlais en commençant de la raison et disais que ce que l¹on allègue
aujourd¹hui comme raison relève de l¹ "outrecuidance". Ce mot, je le
reprends à Gilles Deleuze, exactement à Deleuze parlant de François
Châtelet, dans Périclès et Verdi. Un mot tout à fait convenable pour la
situation actuelle et applicable aux déclarations empreintes de morgue et de
certitude, de croyance béates auxquelles elle donne lieu. Je cite, car la
clarté et la pertinence du passage en vaut la peine : « Les outrecuidants,
petits ou grands, du leader de groupuscule (on est au temps de "maos") au
président des Etats-Unis, du psychiatre au P.D.G., fonctionnent à coup de
transcendances, comme le clochard à coup de vin rouge. Le Dieu médiéval
s¹est éparpillé, sans pour autant perdre de sa force et son unité formelle
profonde ; la Science, la Classe ouvrière, la Patrie, le Progrès, la Santé,
la Sécurité, la Démocratie, le Socialisme ‹ la liste serait trop longue ‹ en
autant d¹avatars. Ces transcendances ont pris sa place c¹est dire qu¹il est
encore là, omniprésent) qui exercent avec une férocité accrue leurs tâches
d¹organisation et d¹extermination ». Cela était écrit en 1976 dans Les
années de démolition. Rien à changer : peut-être « groupuscules » qui
n¹existent plus, et encore, « socialisme » qui n¹est plus "Le" et en perte
de vitesse. Mais surtout à souligner Démocratie, Sécurité et, à ajouter :
Dieu tout court qui n¹est plus seulement "médiéval" et qui est loin de
s¹être "éparpillé". Mais, au contraire s¹est concentré dans des mains et des
cerveaux qui en font, pour leur propre compte, un usage unilatéral.

Mais mon intention n¹est pas ici, de parler d¹un "retour" d¹un "religieux"
qui n¹a, à vrai dire jamais disparu. Il me suffit de noter que cette
concentration paranoïaque de l¹usage de Dieu au service de la raison, de
l¹avoir raison, ne peut plus échapper à quiconque ; renvoyant seulement à un
article de François de Bernard, Libération, du mercredi 26 mars, qui la
dénonce avec une verve pamphlétaire sous le titre de « république
théocratique et pathocratique ».Très intéressante démonstration du
détournement que connaît le principe républicain que Kant mettait, au
contraire, parmi ceux dont l¹extension à tous les Etats était propre à
empêcher les guerres : « Premier article définitif pour la paix perpétuelle
: Dans tout Etat, la constitution civile doit être républicaine », en
donnant comme explication que les citoyens libres ne donneraient jamais leur
assentiment aux maux et aux dévastations qu¹il leur faudrait supporter et
« pour combler la mesure, se charger finalement du fardeau d¹une dette qui
remplira d¹amertume la paix elle-même ».
    Sancta simplicitas ! Je le dis sans ironie, et seulement pour constater
que, chez Kant, le mot de république, dont le sens est sous nos yeux si
odieusement détourné, avait encore celui de prise de partie effective des
citoyens à la vie publique et de décision libre d¹une collectivité dont tous
les membres sont en communication réciproque, où les raisons s¹échangent de
proche en proche.

Et c¹est enfin ce où j¹en viens, l¹opposition établie par cette critique de
l¹outrecuidance à tendance théocratique, entre une Raison se changeant en un
absolu que l¹on peut posséder ­qui, de même que Dieu est aux mains d¹un seul
camp- et la raison elle-même qui n¹est jamais chose établie et possédée une
fois pour toute, mais qui est toujours en mouvement, peut se transformer en
modifiant ses références, est un devenir, un processus. C¹est encore ce que
démontre et exprime lumineusement Deleuze dans cet hommage rendu au
philosophe ami. « La raison n¹est pas une faculté, mais un processus » ;
« il y a un pluralisme de la raison parce que nous n¹avons aucun motif pour
penser la matière ni l¹acte comme uniques. On définit, on invente un
processus de rationalisation chaque fois qu¹on instaure des rapports humains
dans une matière quelconque, dans un ensemble quelconque, dans une
multiplicité quelconque. »  Et encore : « La raison comme processus est
politique », dans la cité, dans des groupes. Retenons ce mouvement : la
raison comme processus, la raison comme instauration de rapports humains
dans une "matière", dans une "multiplicité" ; et traduisons aussi, dans le
langage de Kant dont je me suis servi au début : cette "matière" ce sont les
rapports entre Etat, internationaux et la raison consiste à introduire en
eux des rapports humains. La multiplicité, ce sont les peuples divers de la
planète, et la raison est d¹introduire des rapports humains sous la forme
d¹un droit "cosmopolitique" tenant compte de leur diversité ethnique et
culturelle, de leurs diverses "raisons".
     Or, cet acte, ce processus de rationalisation introduit dans la matière
multiple du genre humain peuplant la planète, c¹est justement le rapport
humain de l¹hospitalité.
C¹est là ce que nous dit Kant, ce qui fait que, quelque étonnant que cela
puisse paraître, l¹ hospitalité universelle est l¹unique principe dont
dépende un droit pouvant conduire à la paix perpétuelle ; et surtout ce qui
interdit que quelque peuple quelque Etat que ce soit puisse avoir raison
d¹imposer à un autre sa manière de voir, fût-elle celle qu¹il considère
comme étant la meilleure possible, Religion, Démocratie ou Progrès.
    Il y a là de l¹inconditionnel, comme il y a de l¹inconditionnel à
appliquer aussi le principe d¹hospitalité dans les petits groupes, où elle
devient la condition sine qua non de la vie commune .Dans tous les cas,
l¹hospitalité est bien condition première et informulée du droit ; il lui
arrive de se traduire en droit. Kant indique de quelle manière. Il faut
pourtant ajouter que ce principe, fondateur, est extra-juridique, au-delà du
droit qu¹il fonde, et qu¹il éclaire aussi , dont il montre les limites
lorsqu¹il se traduit sous la forme d¹une juridiction strictement limitative.
L¹hospitalité est ce qui "ramène à la raison" lorsque celle-ci s¹égare en
croyant la limiter au nom du raisonnable. Elle est raison élargie, ouverte,
toujours indiquant un processus de rationalisation, introduisant dans la
"matière" des groupes formés par les hommes des "rapports humains" ; elle
porte toujours en avant ce qui, entravé par des règlements, s¹appesantit.


Pour conclure, je reprends la belle formule poétique d¹Edmond Jabès :
« L¹hospitalité allège ».

René Schérer, Paris, 26 mars 2003
dernier ouvrage paru : Enfantines, Paris, Anthropos, 2002


* Première publication le 9 avril 2003 en ligne in criticalsecret. Ce texte
daté du 26 mars nous paraît important dans une période d'absence de repères
consensuels. Ecrit pour une intervention dans le cadre d'un séminaire
universitaire à Valence qui aura lieu ces jours-ci, il a été envoyé au
journal Libération où il n'a pas été jugé utile de le publier ni même à la
page Rebonds. Quant à nous, nous le communiquerons avec prière de
transmettre sur les listes de diffusion en France et à l'Etranger. Ce texte,
La raison égarée, inaugure une page Contributions du petit journal contre la
guerre, sur la question de la pensée discrimante, de la raison, et de ce qui
pourrait se manifester en matière de pensée révolutionnaire aujourd'hui. »

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3/ 
Pour ceux qui se posent des questions sur les sources de la protestation des
noirs américains contre la guerre d'Irak,
un peu d'Histoire...
in
http://etoilerouge.chez.tiscali.fr/documents/bpp7.html

et hop! 

« Black Panthers Party


8-l'apogée du BPP et sa liquidation physique

a)l'assassinat de Martin Luther King e
t les tentatives de front révolutionnaire

Le 4 avril 1968, Martin Luther King est descendu, à Memphis. Les ghettos
explosent. 72 villes sont touchées, il y a 32 morts, 13.876 arrestations, au
moins 2.266 blessés selon le journal Guardian pour les quatre premiers
jours. Le lendemain le New York Times parle de 125 villes touchées, 2600
blessés et 21.270 arrestations.

Parmi les morts, que 5 blancs et pas un seul policier. 45 millions de $ de
dégâts. 55000 soldats sont intervenus avec la police, dont 21.000 soldats
des troupes régulières et 34.000 de la garde nationale. Pour la première
fois depuis 35 ans il y a des soldats devant le Capitole; la police encercle
la maison blanche à un point tel que Newsweek affirme qu'on se croirait dans
la capitale d'une république bananière.

Le 6 avril 68, quelques jours après avoir appris que la police les
attaquerait, des panthères répliquent à la police dans la ville d'Oakland.
Bobby Hutton est tué à bout portant, alors qu'il sortait avec Cleaver les
mains en l'air et aveuglés par les gaz. Cleaver fut blessé à la jambe. 7
panthères furent accusées de meurtres.

Un jour après le BPP organisa un pique-nique dans le DeFremery Park
d'Oakland. Cela avait été prévu longtemps auparavant pour soutenir les frais
de justice de Newton et la campagne électorale. Le BPP se prononça l'abandon
des émeutes spontanées mais pour l'organisation des noirs, l'autodéfense.
En 68 il n'y eut pas d'été chaud, " seulement " quelques petites rébellions
spontanées. Une raison fondamentale était le renforcement de la répression.
Mais il y eut une nouvelle occasion. Du 26 au 29 août se déroula la
convention du parti démocrate, où doit être nommé le candidat à la
présidence. Il y avait 6000 soldats, 6000 membres de la garde nationale et
12000 policiers.

Et des milliers de manifestants, qui profitaient de cela pour protester
contre la guerre du Viêt-nam, appelé à cela par la National Mobilization to
End the War in Vietnam, une organisation centrale de groupes anti-guerre.

Il y avait des hippies, des Yippies (hippies politisés), des
révolutionnaires, des gangs de motards, des émeutiers, des activistes
blacks, des groupes minoritaires du parti démocrate.

La fin de la semaine précédant la convention les manifestants se
regroupèrent dans le Lincoln Park. Seale tint un discours, appelant à
l'autodéfense armée.

Les bagarres qui s'ensuivirent avec la police furent provoquées par la
tentative de dégager les manifestants du parc. Les médias bourgeois
parlèrent de " terreur policière " tellement les charges furent violentes.
Pendant quatre jours ce fut l'émeute, et la terreur, contre tout ce qui
bougeait.

Le procès contre Newton, commencé le 15 juillet 68, finit le 8 septembre.
Entre deux et quinze ans ferme, alors qu'il n'y a pas de preuves qu'il ait
eu une arme, alors qu'on a trouvé que deux armes: celles des policiers,
alors que toutes les balles tirées provenaient de ces pistolets, alors qu'il
n'y aucune preuve après les études en laboratoires que Newton eut tiré. De
plus on accusait Newton d'avoir tué un policier, mais pas d'avoir blessé le
second! Il s'agit bien d'une accusation politique.

Dans la première semaine d'août 68, le comité central du SNCC arrête la
liaison avec le BPP, affirmant que l'union n'a été faite que par certains
individus et que les modalités de l'union n'ont pas été étudiées. C'est le
résultat d'un manque de confiance.

A peine les membres du SNCC arrivés, Cleaver les qualifia de " hippies noirs
", et ce devant un public blanc. Le SNCC - considéré comme une organisation
en train de disparaître - ne voulait pas se subordonner au BPP. Rap Brown et
James Forman quittèrent le BPP. Le COINTELPRO joua aussi. Le FBI organisa la
rumeur que Stokely Carmichael était un agent de la CIA. Le FBI fit un faux "
rapport de Carmichael à la CIA " et le déposa dans la voiture d'un de ses
amis, téléphona à la mère de Carmichael pour lui dire que des panthères
voulaient le tuer, etc.

Le FBI voulait aussi isoler le BPP des autres groupes noirs, comme US. US
était là pour United Slaves, il s'agissait d'un groupe nationaliste de
Californie du sud, qui était critiqué par le BPP comme " nationalistes
culturels ". L'idéologie de US était simpliste: tout ce qui est noir est
bien, tout ce qui est blanc est mal. Bobby Seale parla de racisme noir et
affirma que ce n'est pas en mettant des habits traditionnels que le peuple
aurait le pouvoir.

Le FBI fit faire de faux tracts, caricaturant chaque groupe et signant de
l'autre. Cela aboutit au meurtre de Alpentrice " Bunchy " Carter, chef
panthère de Los Angeles, et de John Huggins, ministre d'information de
Californie du sud, par des membres d'US. Plus tard deux autres panthères
furent blessées par derrière et un autre, Sylvester Bell, tué.
De fait le FBI promit à US de ne pas faire de poursuites si des membres du
BPP était tués... US agit par simple concurrence, pour reprendre le terrain
au BPP.

b)le BPP à son apogée et son éclatement interne et sa destruction militaire
par les USA

C'est en 68 que le BPP atteint une signification nationale, profitant du
travail du SNCC, dans les ghettos de Cleveland et Chicago par exemple.

Le BPP avait entre 3 et 5.000 membres, dans environ quarante groupes locaux.
Rien qu'à New York entre mai et Juin le BPP s'agrandit de 800 nouveaux
membres.
Cleaver fut libéré 60 jours après son arrestation. Mais l'Adult Authority
porta plainte et Cleaver devait retourner finir ses cinq ans (de sursis à
l'origine) à partir du 27 novembre. Il fit des meetings et plongea dans la
clandestinité. En fait il rentra avec sa femme dans sa maison, et une autre
panthère ressortit avec elle pour répondre à des interviews d'autres
panthères, la police et des manifestants derrière. Lui s'enfuit, déguisé en
vieil homme, jusqu'à New York puis Montreal, et enfin, caché dans une
armoire sur un bateau, jusqu'à Cuba.

En décembre 68 eut lieu une conférence des " Captains " de 45 localités, et
Bobby Seale dut faire un séminaire d'études idéologiques.

Début 69 le BPP s'est élargi, n'a plus d'unité ni de cohésion, et est bien
plus un rassemblement de groupes locaux. Newton est en prison, Cleaver en
exil, les nouveaux membres sont peu formés. Les infiltrés et les
provocateurs s'accumulaient (il y en avait au moins 67 en 1969). Et la
police attaquait constamment les infrastructures du parti.
C'est pourquoi en janvier 69 le parti fait le ménage . Ce sont plus de 1000
panthères qui voient leur statut remis en question.

Puis il y eut juillet 69. Carmichael, qui vivait depuis 3 mois en Guinée,
quitte le parti. Il critiqua l'alliance avec les blancs et la coupure du
reste des mouvements noirs. Il critiqua aussi le " dogmatisme " et les
méthodes autoritaires de l'organisation.

Quant à Cleaver, en conflit avec le régime cubain, découvert dans son exil
par un agent de presse de Reuter, il partit en Algérie, où ouvrit une
section internationale du BPP, grâce aux Vietcongs. 30 panthères y
travaillaient.

En été, lors du festival culturel panafricain qui se tint du 21.7 au 1.8. à
Alger, sous l'égide de l'Organisation pour l'unité africaine, le BPP ouvrit
un centre d'information afro-américain. Miriam Akeba et Stokely Carmichael y
firent des apparitions.

Du 18 au 21 se tint à Oakland la National Revolutionary Conference, avec
4000 participants, pour former l'United Front Against Fascism. En raison de
la répression grandissante - de la mi 1967 à la mi-1969 28 panthères avaient
été exécuté, 100 étaient derrière les barreaux, plusieurs centaines
attendaient d'être jugé, les bureaux étaient saccagés; alors qu'on ne
pouvait pas prouver qu'une seule panthère est blessé ou tué un policier - le
BPP considéra que le fascisme menaçait. On parlait déjà de camps. Le
conseiller du président, Brezinski, l'avait déjà proposé pour les noirs lors
des révoltes urbaines de 67. Et ces camps existaient déjà, créés pour les
gens d'origine japonaise pendant la guerre.
L'analyse du BPP part du travail de Georgi Dimitrov sur le fascisme, tel
qu'il a été tenu au VII Congrès de l'Internationale communiste en 1935. Le
programme: formation de la conscience, aides sociales immédiates, front uni
avec les révolutionnaires blancs, autodéfense armée, politique de refus du
nationalisme, information et propagande comme stimulation des plans
révolutionnaires, autogestion des ghettos et différentes méthodes de luttes
anti-impérialistes.

De nombreux problèmes furent soulevés, comme celui de la politisation du
mouvement pour la paix, pour une campagne de pétition en faveur de la
décentralisation, pour le contrôle des communautés de la police. Ce dernier
point fut refusé par le SDS agonisant, car il n'avait pas l'intention de
réclamer cela dans des quartiers blancs, la police devenant à ce moment-là
encore plus contrôlé par les racistes. Il y eut également le débat avec les
weathermen, qui voulaient immédiatement lancer la lutte armée.

 

[Initialement on trouve dans la brochure publiée une photo de la révolte des
prisonnierEs d'Attica (prison de "maximum security à New York) en
septembre1971. 85% des prisonnierEs étaient noirs, Portoricains, Mexicains.
L'Attica Liberation Faction organisée à l'intérieur prônait une politique
révolutionnaire et 26 revendications, se révolta après la mort de Georges
Jackson et fut écrasée (32 morts).]


Le BPP fut lui de plus en plus confiné dans une lutte pour la survie. En 69
la répression augmenta, presque 20 panthères furent tuées, d'autres arrêtées
pour des motifs ridicules. Cela arrivait particulièrement aux 50 membres les
plus actifs. il y eut du 1 janvier 68 au 31 décembre 69 739 arrestations,
avec 5 millions de $ de cautions. C'était un bon moyen pour l'Etat
d'affaiblir financièrement le BPP. En fait dans 90% des cas il y eut
non-lieu. 

Début 1968 20 bureaux du BPP furent occupés et dévastés par la police, entre
autres à Detroit, Boston, NY, LA, Chicago, Denver, New Haven, Indianapolis,
San Diego, Sacramento, Seattle, Des Moines, Albany... Les médias et les
politiciens préparent l'opinion à une liquidation du BPP.


c)l'apparition de groupes de guérilla et la fin du BPP

Le BPP est lui quand même reconnu comme avant-garde dans la lutte de
libération au c¦ur de la bête . Le SDS se divisa quant à cette question à
son congrès de 69. La tendance se reconnaissant dans le Progressive Labor
Party maoïste considérait tout nationalisme comme réactionnaire, et
diffamait tout ce qui ne soutenait pas la Chine: l'URSS, le Vietnam, Cuba,
le BPP, ainsi que les deux autres grandes tendances du SDS.

Celles-ci considéraient au contraire que les luttes de libération nationale
étaient à l'avant-garde de la révolution. Donc le BPP. Les jeunes étaient
également vu comme la couche sociale la plus opprimée et la plus à la marge,
donc à organiser.

Ces deux tendances s'appelaient Revolutionary Youth Movement (I et II). Le
RYM 1 forma les weathermen, d'après le titre d'une chanson de Bob Dylan: "
pas besoin d'être un weatherman [prophète de la météo] pour savoir où le
vent souffle ". 

Le terme " men " oubliant les femmes, l'organisation pris les noms
successifs pour mener ses actions de guérilla urbaine: Weatherpeople,
Weather Underground Organization. Les cellules de cette organisation avaient
un type spécifique de collectivité: destruction de la monogamie, de la
soumission de la femme vis-à-vis de l'homme, expériences avec des drogues .

Les minorités s'organisèrent également selon le modèle du BPP (structures,
programmes, lien avec la communauté):

-le Young Lords Party fut formé chez les Portoricains, à partir de
streetsgangs (Chicago, NY...), travaillant dans les centres de production,
c¦ur de la révolution et prônant la lutte armée pour la libération;

-les red guards en 67 dans la communauté chinoise puis I Wor Kuen, ce qui
signifie à peu après " le poing levé au nom de la paix et de la justice ",
avec beaucoup d'impact dans la population âgée;

-les brown berets chez les mexicains, à partir de streetgangs de l'Est de
L.A. avec 60 groupes locaux, ainsi que Los Siete de la Raza, comité de
soutien à des gens arrêtés pour avoir attaqué des policiers en civils qui
mènera des actions à la BPP;
-l'united native americans chez les indiens est plus une initiative de
citoyens (occupation de l'île d'Alcatraz de novembre 69 jusqu'à juin 71 par
200 indiens de différentes tribus, du Mount Rushmore pendant trois mois)
tandis que l'AIM (american indian movement) prend le BPP comme modèle et a
en deux ans une renommée nationale;

-les blancs s'organisèrent en Young Patriots Organization à partir de
streetgangs travaillé depuis 63 par le SDS et d'une bande de motards. Ils
adaptèrent le programme du BPP et eurent une candidate pour le Peace and
Freedom Party. Un autre groupe naquit à New York; la police écrasa ces deux
groupes.

En 69 se forma Rising Up Angry, à partir de prolétaires extra-légaux blancs
et de travailleurs, qui mena des aides à la communauté.

Le Black Workers Congress, issus de groupes d'opposition noire dans
l'industrie automobile (notamment Chicago, Detroit, NY), organisa de grandes
grèves. Il rejoignit la League of Revolutionary Black Workers, dont une
partie fonda un Black Workers Congress, considérant comme trop indiscipliné
et nationaliste l'autre groupe. Le BWC voulait organiser les luttes de
toutes les minorités (asiatiques, noirs, etc.) contre le capital. Il s'agit
d'une organisation marxiste-léniniste, avec comme but un parti ouvrier et
une perspective internationaliste. En 1971 il y avait des groupes dans 25
localités, le secrétaire général était l'ancien SNCC et BPP James Forman.

Il est clair que tous ces groupes sont en liaison avec une pratique proche
de la guérilla. Il n'y avait pas coordinationsdes activités, mais les
actions se faisaient en série. En cinq ans il y aura au moins 1391 actions
armées/attentats, dont 423 contre la police et 101 contre l'armée. Toutes
définies par la lutte révolutionnaire. Les coûts sont énormes, comme
l'incendie des bâtiments d'une commission pour l'atome à Rocky Flats, dans
le Colorado (45 millions de $).

Le FBI organise lui la répression. Il y a au moins 100 000 noms de militants
radicaux, 323 millions d'informations médicales et 279 millions de
surveillance psychiatrique.

La guerre du Vietnam est de plus en plus perdu. Il y a 12000 désertions en
une fois en Europe , des mutineries, 56 000 désertions. Il y a en 1970 500
désertions par jour. On attendra bientôt la centaine de mille.

On pratique le " fragging ", c'est-à-dire l'élimination des
supérieurs/officiers avec une grenade à fragmentation (plusieurs centaines
de cas). Il y a au moins 10 soldats de couleur passant chez les Vietcongs
par jour. La plupart du temps ils sont à l'arrière, mais des fois mêmes sur
le front, contre les soldats US, comme par exemple ces deux soldats d'élite
qu'on retrouve morts en 1970, tués par leurs propres anciens " collègues ".

Les sabotages se multiplient, particulièrement sur les bateaux où de petites
pièces endommagées entraînent plusieurs mois de paralysie. Une blague court:
" Nixon et son ministre de la défense sont à la maison-blanche. Une grande
foule de manifestants se rapprochent toujours plus. Nous devons faire
quelque chose dit Nixon. Appelez l'armée. Et le ministre de la défense:
désolé, monsieur le président, c'est l'armée. "

En 1969 Bobby Seale se fait arrêter, enchaîné, les fers aux pieds, doubles
menottes, alors qu'il n'y avait pas d'accords entre les états pour cela. Il
est accusé de " conspiracy ", notamment pour la manif à l'occasion du
congrès démocrate de 68. D'autres personnalités sont arrêtées, comme les
yippies Jerry Rubin et Abbie Hoffman, Rennie Davis de la National
Mobilization to End the War in Vietnam et co-fondateur du SDS, Tom Hayden
également co-fondateur et ancien représentant du SDS, David Dellinger de
Mobilization, John Froines et Lee Weiner.

Le procès commença le 24 septembre. L'avocat de confiance de Seale étant à
l'hôpital, cela commence mal, les autres avocats ne voulant pas de lui et le
juge lui refusant de se défendre tout seul, comme il le voulait selon la
constitution. Protestant, il fut frappé et enchaîné à une chaise pour le
reste du procès.

Le FBI inventa des témoins et fit une provocation en envoyant de fausses
menaces à deux membres du jury: " on vous surveille - les black panthers ".

Résultat: quatre ans ferme pour insulte au tribunal, rien pour l'accusation
originelle à cause du " manque de preuves ". Les sept accusés furent
déclarés innocents, mais cinq furent accusés d'avoir provoqué des émeutes et
pour cela avoir dépassé les frontières entre Etats. Cette vieille loi fut
néanmoins cassé et le jugement avec.

Seale fut accusé de meurtre, en raison de violence contre des flics
infiltrés dans le BPP, violence causé par des provocateurs. Mais le manque
de " preuves " fit qu'il sorti de prison.

La répression, elle, continue. Ceux qui organisent les contacts et les
initiatives politiques entre les groupes des différentes communautés et le
BPP sont arrêtés pour des motifs bidon, puis descendus, comme Fred Hampton.
Le BPP était également facilement infiltrable: le FBI n'eut aucun mal à
liquider les accords faits et même à les transformer en conflits. De plus,
les perquisitions étaient ainsi très " fructueuses ".

Parlons également de Georges Jackson, arrêté à 18 ans, en 1960, pour avoir
volé 70 $ dans une pompe à essence et condamné à vie. Il lit Marx, Engels,
Lénine, Mao, et écrit un livre qui sera préfacé par Jean Genet: Soledad
Brothers: The prison letters of Georges Jackson, puis Blood in my eye. Dans
la prison californienne de Soledad (solitude en espagnol) en 70 un gardien
avait tué trois prisonniers noirs, et même les prisonniers blancs racistes
pensaient qu'il s'agissait d'une exécution pure et simple.

Le gardien fut acquitté. Trois jours plus tard un gardien se fait tuer. 3
personnes furent accusées, dont Jackson, on les appela les Soledad Brothers.
Jackson était rentré au BPP en 70 et devenu maréchal Le FBI fit un plan
bidon pour tuer des accusés BPP et les soledad brothers.

Il s'agissait d'amener des armes dans la salle du tribunal et de faire
intervenir la police, en faisant croire qu'il y une tentative de la part des
panthères de prendre des otages et réclamer un avion pour partir en Algérie,
pays socialiste, avec les prisonniers. Les infiltrés dans le BPP devaient
proposer le plan de " libération " pour que les panthères elles-mêmes
prennent l'initiative.

Mais Géronimo Pratt, un des théoriciens de la Black Liberation Army , au
courant de cette tentative de prise d'otages, fait bloquer l'action. Mais
Jonathan Jackson, frère de Georges et âge de 17 ans, ne fut pas prévenu à
temps et mena l'action seul. Il donna des armes aux prisonniers et partirent
avec le juge pour prendre un avion. La police était évidemment déjà sur
place et tira. Deux prisonniers furent tués, ainsi que Jonathan et le juge,
le procureur sera paralysé, le troisième prisonnier et un juré très
grièvement blessés. Cela se passa le 7 août 1970.

Mais le BPP - contrairement à ce que voulait le FBI - ne fut pas du tout
discrédité. Bien au contraire, l'action fut saluée, et on critiqua le FBI
pour qui la vie humaine ne comptait pas.
Le lendemain, Angela Davis, figure de proue du comité de solidarité des
Soledad Brothers, eut un mandat d'arrêt contre elle pour meurtre, etc.

Angela Davis était au CPUSA et était devenu prof de fac (à l'UCLA à L.A.).
Elle passa dans la clandestinité, mais fut arrêtée en octobre 1970. Newton
lui fut libéré en août 70, et le revolutionary people's constitutional
convention rassembla 10 000 personnes pour former une nouvelle constitution
défendant réellement les libertés et continuer l'United Front against
Fascism à Philadelphie en septembre. La deuxième session à Washington en
décembre eut un peu moins de succès.

Mais le BPP s'était considérablement effrité. Il était présent dans une
centaine de villes, avec un noyau dur d'à peu près 900 militants. Il était
populaire chez les noirs mais en proie à une sévère répression. Il perdait
son impact; malgré le nombre de militants il arrêta les aides à la
communauté en 70, et jusqu'à fin 70 40 panthères furent encore assassinées
et 85 blessées.

Ce qui devait alors arriver: la scission, de fait la fin du mouvement, le
BPP n'ayant pas trouvé les moyens de dépasser le reflux.

9-fin de l'histoire du BPP, la Black Liberation Army et la situation
actuelle

a)la scission dans les restes du BPP et les derniers meurtres de militantEs

La scission s'exprime réellement début 71. 21 panthères arrêtées en 69 pour
possession d'armes et d'explosifs sortirent un texte critique " New morning
- changing weather " en référence aux weathermen. Le texte appelaità la
formation de groupes armés, la nécessité de l'union des groupes ethniques
avec les révolutionnaires blancs dans un processus de lutte armée: " Nous du
tiers-monde devons nécessairement détruire cette société cybernétique
hautement automatisée ou serons détruits par elle - maintenant ".

La direction du BPP est critiquée pour son incapacité contre-révolutionnaire
à prendre le camp de la lutte armée.

Le 23.1.71 Pratt est exclu, ainsi que sa femme Sandra et trois autres
panthères. le 5.2. deux membres du groupe de 21, libérés sur caution,
partent en Algérie. Les deux autres membres libérés sur caution sont remis
en prison. Sont publiés dans The Black Panther les noms des expulsés,
notamment les deux panthères parties en Algérie et ainsi responsables de la
mise en prison de deux autres.

Pratt est exclu notamment pour ses critiques et sa " tentative " d'éliminer
physiquement Newton, qui a de fait le contrôle du BPP (ou de ce qu'il en
reste). Le 20.2. il prend le titre de Supreme Servant of the People à la
place de Supreme Commander. Le 26.2. il a une discussion télévisée avec
Cleaver (alors en Algérie), ce dernier critiquant les exclusions faites des
21 panthères ayant émis des critiques.

Newton prend des mesures disciplinaires contre Cleaver. La rupture est
consommée. Le part implose.
Tout le monde s'insulte, fait un procès politique à l'autre. Si l'on se
réfère à l'expérience des autres partis, on voit qu'il manque une ligne
directrice, de la même manière qu'en Italie chez les Brigades Rouges, apogée
du mouvement communiste. C'est un reflux en catastrophe pas géré, il n'y
aura pas non plus de " retraite stratégique " (comme par exemple en Italie
avec le petit noyau dur des dernierEs brigadistes continuant la lutte).

C'est la débandade! La base attaque la direction comme " bureaucratique " et
" autoritaire ", proteste contre le centralisme non démocratique.

On critique la ligne de Newton, trop " masse " et pas assez lutte armée.
Newton organise le 5.3.71 un intercommunal day of solidarity, pour présenter
sa conception, avec entre 2000 et 4000 personnes, c'est-à-dire moins que
prévu et avec seulement entre 10 ou 20% de blacks. La plupart des blancs
sont là pour la musique, même s'il y a évidemment sympathie.

Le 8.3.71 Robert Webb, pro-Cleaver est tué après une altercation avec des
vendeurs de The Black Panther. Le bureau BPP de New York, de fait quartier
général de la tendance de Cleaver, accuse Newton. The Black Panther va par
la suite paraître avec un copyright, avec des dessins diffamant vulgairement
Cleaver. Plus tard de nombreuses personnalités panthères se prononcent pour
Newton, ainsi que Bobby Seale. Les symboles militaires disparaissent de The
Black Panther, le 17.4. un partisan de Newton, Samuel Napir, est retrouvé
tué.

Evidemment le FBI balance autant d'huile sur le feu qu'il le peut. Mais
parlons des différentes stratégies que proposent Newton et Cleaver:

-la théorie des ghettos blacks comme colonies est gardée par Cleaver. Newton
la considère comme fausse, mais ne propose rien à la place. Il amène la
notion d'"Intercommunalism ", mais cela ne fait que rejoindre la position
internationaliste qui était celle du BPP depuis le départ. Rien de bien
nouveau donc.

-le " lumpenproletariat " est considéré par les deux comme classe la plus
exploitée et avec donc un rôle d'avant-garde dans la révolution. Pour les
deux cette classe forme la base du BPP. Pour Cleaver il y avait des
divergences d'intérêts entre le " lumpenproletariat " et la classe ouvrière,
intérêts non antagonistes, mais empêchant pour l'instant une lutte commune.
il s'intéressait depuis longtemps à la culture de la jeunesse blanche et
voyait en elle un partenaire possible. Pour Newton au contraire il y a
identité commune des intérêts du " lumpenproletariat " et de la classe
ouvrière, il faut former un parti " prolétarien conséquent " et orienté sur
la lutte de classe.

-La guérilla urbaine est une question centrale. Avant la scission le BPP s'y
acheminait, avec des textes proches du petit manuel du guérillero urbain de
Carlos Marighella. Cleaver considérait qu'il fallait passer dans la
clandestinité, parce que la répression est trop forte et qu'il y avait une
base noire sympathisante large. Il voulait organiser un front
révolutionnaire nord-américain unissant les révolutionnaires de toutes les
ethnies, organiser un front politico-militaire.

Il rejetait le légalisme de Newton et Seale, Newton défendant une
organisation légale de masse. Les community-programm ne purent ainsi être
proposés que par Newton, qui voulait faire de " l'aide sociale " pour les
besoins urgents des ghettos, puisque les USA seraient le dernier bastion que
la révolution mondiale prendrait. Il s'agit de s'ancrer dans le ghetto, de
relier l'aide matérielle au travail politique.

-Cleaver critiqua le manque de démocratie: le comité central a toujours été
composé de membres présents à Oakland dès le départ. Ses propositions de
personnes d'autres villes furent toujours refusées. Dans le bureau d'un
responsable on pouvait lire sur le mur: " The lower level is subordinate to
the higher level " . On critiqua le culte de la personnalité: le titre de
Newton (supreme...) et le changement de nom des Liberation Schools en Huey
P. Newton Youth Institutes.

La tendance de Cleaver disparaissa assez vite. Newton, lui, organisa une
série de purges pour chasser les infiltrés et ceux qui étaient en désaccord
(dont Bobby Seale). Le parti n'exista quasiment plus, en 73 il n'y avait
plus que 150 membres à peu près, et ce dans la zone originelle de la bay
area. 

Newton ne s'en prononça pas moins pour la nécessité de continuer les
Community programm, de reconnaître le mouvement homosexuel et le mouvement
féministe comme partenaire politique possible. Il nomma Elaine Brown à la
tête du parti lorsqu'il passa dans la clandestinité; le parti étant lui déjà
basé sur la non-violence, le parlementarisme, le travail social. Bobby Seale
avait déjà affirmé en 1972 que la révolution se basait sur les élections.

Le capitalisme n'était plus fondamentalement critiqué; le capitalisme noir
devait dans une période de transition aider à élargir l'antagonisme entre la
Community opprimée et la domination monopoliste. Newton dit: " ce que nous
devons ainsi faire: renforcer les qualités positives du capitalisme noir
jusqu'à ce que les négatives soient dépassées et ainsi bouleversent la
situation ". Les capitalistes noirs devaient cofinancer le programme du
parti. Mais le parti n'était plus une force politique. Et entre 81 et 83
tout disparaît.

b)la Black Liberation Army (BLA)

Il ne reste alors que la BLA, black liberation army. Elle s'appelait à
l'origine, en 1970, l'Afro-american Liberation Army et était issue de
l'expérience de la répression massive contre le BPP. Des structures
clandestines s'étaient formées pour protéger ceux qui passaient dans la
clandestinité d'éventuelles arrestations ou assassinats. Il n'y avait pas de
structure centralisée, mais de petites cellules autonomes, nombreuses dans
certaines villes. 

Le programme minimal était le même que celui décidé le 31 mars 68 à Chicago
comme union entre différents courants nationalistes et anti-impérialistes du
mouvement noir, à savoir l'organisation Republic of New Afrika. Une
république noire devait être formée à partir des Etats de Louisiane,
Mississippi, Alabama, Georgia, et Caroline du sud. La ligne est
fondamentalement politico-militaire, avec des actions que les blacks peuvent
tout de suite comprendre (attaques contre la police...).

En 1973 la plupart des cellules avaient été anéanti, la plupart des
combattants tués ou arrêtés. A la mi-70 on consolida les restes du BLA par
le BLA-Coordinating-Committee. Une minorité forma sa propre organisation en
78, la Revolutionary Task Force (appelée aussi The Family) avec le soutien
d'ancien Weathermen. Il y avait donc des activistes noirs, et blancs, dans
le but d'une " modification révolutionnaire et d'un processus croissant
d'unification ". 

Le KKK est analysé, et comme conclusion on en arrive au fait que " les
masses dans les quartiers urbains doivent former des unités d'auto-défense
populaire afin de se défendre - maintenant!

On a besoin de programmes afin de poser pour nos jeunes des exemples
révolutionnaires positives et qui doivent être développés en théorie et en
pratique - maintenant! ".
Est également affirmé que les millions de $ nécessaires doivent être
rassemblés sous contrôle des révolutionnaires pour les différents programmes
dans les Communities. Au niveau culturel comme pour les médicaments. Est
également affirmé la nécessité de ne jamais toucher des civils.

Et comme conclusion:
" Nous devons avoir une nation!
Nous devons avoir une armée!
Il n'y aura pas d'holocauste noir! "

Assata Shakur, une des fondatrices de la BLA, fut libérée de sa prison par
un commando de cette organisation et se réfugia à Cuba. Cette action fut
extrêmement populaire. Sur de nombreux murs de ghettos on pouvait lire "
Assata is welcome here ". Une membre (blanche) du commando la libérant fut
arrêtée; Silvia Baraldini est depuis toujours en prison et fait l'objet de
tractations pour être amené dans une prison de son pays (l'Italie).

Il y eut de très nombreuses actions (contre des banques...), notamment en
soutien à un hôpital et à des centres de soin destinés aux gens du South
Bronx (New York). Lorsqu'en 81 une attaque contre un fourgon à West Nyack
(New York) amena l'arrestation de membres de la revolutionary armed task
force, ce fut le début de la fin, des arrestations s'en suivirent.

De plus l'organisation s'était en partie discréditée à cause du fait que
certains des éléments avaient affaire à la drogue alors qu'était affirmé que
la drogue était un moyen impérialiste pour empoisonner le peuple noir.
La BLA se trouve quant à elle - après l'écrasement de la mi-80 - "
actuellement dans une phase de réorganisation des liaisons politiques du
mouvement d'indépendance pour la New Afrika " (position en 1990).

Notons également qu'il y a eu d'autres groupes, très nombreux: la Symbionese
Liberation Army (SLA)qui enleva Patricia Hearst pour réclamer 70 $ par
pauvre des Usa à son père millionnaire. Patricia Hearst s'engagea après dans
le SLA!
Il y eut The Son of Brinks, Armed Resistance Unit, Red Guerilla Resistance ,
Revolutionnary Fighting Group, United Freedom Front, la Brigade Georges
Jackson... 

c)La situation actuelle

Il est évident que quand un mouvement se termine les gens se dispersent et
s'éloignent de la lutte de classe, et donc de la pratique de la lutte de
classe.
Stokely Carmichael a pris le nom africain de Namen Kwamé Turé et participe
au All African People's Revolutionary Party fondé par Kwame Nkrumah avec
comme but un socialisme panafricain. Il voyagea aux Amériques, en Afrique,
dans les Caraïbes et au Proche-Orient.

Eldridge Cleaver, lui, résida à Paris grâce à Giscard après que l'Algérie en
ait eu assez de son soutien à des noirs détournant des avions sur Alger. En
novembre 75 il retourne aux USA se rendre et fut libéré en 76 sur caution.
La justice bourgeoise ne le condamna finalement qu'à 2000 heures de travail
dans une bibliothèque. Il était entre-temps devenu anticommuniste, chrétien
et partisan du parti républicain.

Angela Davis fut libéré en 1972 grâce à une caution de 102.500 $ . Elle fut
acquittée quelques mois plus tard. Elle voyagea dans les pays du "
socialisme réel " (RDA, Tchécoslovaquie, Cuba...) et est depuis 77 prof de
fac à San Francisco pour les Black Studies et les questions des femmes. Elle
fit partie jusqu'en 91 du CPUSA (après un bref passage dans les années 60/70
au BPP), où elle fut exclu pour appartenance à l'aile exigeant des réformes
dans le parti. Elle est toujours une réformiste critique reconnue.

Newton arrêta en 1972 d'être politiquement actif, et écrit quatre livres: To
die for the people (72), Revolutionary suicide (73) puis ensemble avec le
psychologue Erik H. Erikson In search of common ground (73) et avec Ericka
Huggins Insights and poems (75). Il étudia la philosophie sociale. Devant
les poursuites pénales et les rumeurs qui ne le lâchaient plus, il s'exila à
Cuba, et voyagea dans le 1/3 monde. Il retourna à Oakland en 77 mais le FBI
ne le lâcha pas pour autant. Perquisitions, accusations de meurtres, etc.
Pendant ce temps là il fut actif dans des projets d'éducation alternatives
dans les Communities et fit un doctorat de philosophie: War against the
panthers: a study in repression in america.
Newton craqua finalement et pris de la drogue, puis tenta de se libérer et
fut à nouveau actif, notamment en faveur de Pratt (alors que Pratt avait été
arrêté un peu à cause de Newton). Il fut retrouvé mort en août 89, dans des
conditions bizarres (drogues? FBI?).

Elmar " Geronimo " Pratt fut arrêté en décembre 1970 à Dallas au Texas. Il
fut accusé d'avoir cambriolé et tiré le 18 décembre 1968 avec un autre noir
sur le couple Caroline et Kenneth Olson sur un terrain de tennis à Santa
Monica en Californie. Depuis Geronimo est en isolement, ne put pas aller à
l'enterrement de sa femme assassinée, qui était alors enceinte au huitième
mois (en 1971). 

Son procès commença en juin 1972, dès le 28 juillet il est considéré
coupable. Pourtant Kenneth Olson, qui a survécu à sa femme, affirma que le
meurtrier était rasé de près, cequi n'est pas le cas pour Pratt depuis des
années.

Et Olson avait identifié sur un album photo de la police une autre personne.
Un troisième témoin parla d'une voiture qui était à peu près celle de Pratt,
mais elle était tellement courante que tous les panthères de L.A. l'avait!
Pratt avait un alibi: il était à une rencontre nationale du BPP, 400 miles
au-dessus d'Oakland, mais la fraction de Newton ne dit rien à cause de la
scission. Kathleen Cleaver aurait voulu témoigner mais le FBI veillait et
envoya une lettre à son mari comme quoi il serait dangereux pour elle
d'apparaître... De plus la rencontre du BPP avait été mis sur écoute par le
FBI. Mais lorsqu'en 81 on l'écoute, les parties où il devait y avoir Pratt
ont " disparu ".

Pratt avait été arrêté sur dénonciation d'un indic payé par le FBI. Le FBI
nia que Pratt fut la liste du COINTELPRO; et deux personnes du team de
défense de Pratt au procès étaient des indics du FBI qui informaient de la
stratégie de défense! En mai 76 on accusa Pratt d'être le chef de la BLA à
partir des prisons californiennes, un " top organizer ". Aujourd'hui, fin
95, Pratt est toujours en prison.

Bobby Seale, la tête du BPP, fut presque maire d'Oakland; et lui et Elaine
Brown firent une candidature non pas indépendante comme prévue au départ,
mais finalement démocrate. En 1974 il quitte Oakland, et est aujourd'hui
actif dans la Temple University Philadelphia, et est l'auteur de livres de
cuisine, comme Barbecue with Bobby.

Au niveau des organisations, un état des lieux est plutôt difficile. L'Islam
est devenu une valeur refuge pour beaucoup, mais sans pour autant que le
communisme soit rejeté. On peut prendre l'exemple de Mike Tyson qui, devenu
musulman lors de son passage en prison, s'est fait tatouer le portrait de
Mao-Tsé-Toung [ainsi que Guevara, sur le ventre] (les photos de lui sont
depuis souvent retouchéesŠ).

Il faut bien comprendre que, pareillement à en Italie, c'est par la prison
qu'est diffusée l'idéologie révolutionnaire, les cadres étant en prison!
Même si aux USA cela se passe dans une grande proportion (puisqu'il y a un
million de prisonniers sociaux dans les geôles amérikkkaines).

On peut citer à ce sujet le MIM (Maoist Internationalist Movement), qui part
du point de vue de la triple oppression (racisme, sexisme et capitalisme
comme triple oppression) et du maoïsme, et considère le BPP comme
l'avant-garde de la nation noire opprimée dans les années 70. Le MIM diffuse
de la littérature révolutionnaire dans les prisons, diffuse les lettres des
prisonnierEs en lutte, etc.

[Depuis quelques années nombreuses sont les accusations contre le MIM, censé
être manipulé par la CIA. Ces affirmations semblent se confirmer.]

Existe aussi le NAPO (New African People's Organisation), dont un
représentant est passé donner des conférences en Allemagne il y a quelques
années. En lutte pour la Nouvelle Afrique socialiste, le NAPO ne se veut pas
"nationaliste noir" mais "néo-africain", car luttant dans le contexte bien
précis de la domination de la nation noire dans les régions du Sud des USA.

Les islamistes sont également très puissants, sans faire pour autant
l'unanimité. Ainsi en 1995, Qubilah Shabazz, fille de Malcolm X, tenta
d'assassiner Louis Farrakhan, leader de la Nation of Islam (ce dernier
groupe aurait été à l'origine du meurtre de Malcolm X). La position
dominante des islamistes ne doit pas cacher le fait que la culture maoïste
est toujours présente dans les mouvements noirs et que les maoïstes sont
toujours en lutte. »


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