xavier cahen on Fri, 4 Apr 2003 16:22:12 +0200 (CEST)


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Title: Pour infos / Hacker, pas censeur / Courrier international
Pour information :

Hacker, pas censeur

Des hackers se rebellent après une attaque contre le site de Al Jazira : l’“hacktivisme” a une éthique, et le respect du droit à l’information en est l’un des principes premiers.


“Ne reprochez pas aux hackers la récente attaque contre le site de la télévision Al Jazira, ils n’y sont pour rien”, s’exclame “Wired”. Le magazine américain reconnaît bien sûr que le site a été hacké, mais il estime que “ce n’est pas le fait d’un hacker digne de ce nom ; plutôt un acte de ‘script kiddy’.” Ce terme jargonneux désigne les “petits morveux incapables de concevoir une véritable stratégie de hacking et tout juste bons à recopier le _javascript_ de quelqu’un d’autre et à l’utiliser contre un site”, précise “Wired”. En gros, la mise hors-service du site d’Al Jazira est le fait d’un franc-tireur indifférent à l’éthique des hackers, un cracker selon la terminologie que les hackers responsables voudraient imposer.

L’éthique est au centre du débat. Depuis le 20 mars, et durant dix jours, ceux qui ont pianoté http://www.aljazeera.net/ ont été dirigés vers une page arborant un drapeau américain et le slogan “Que maintenant vienne l’heure de la liberté !”. “Celui qui a fait ça a commis un crime informatique et un acte de censure”, s’indigne Oxblood Ruffin, directeur exécutif de Hactivismo, un groupe qui développe des outils pour empêcher la censure. Et d’ajouter : “Il n’existe aucune différence entre la Maison-Blanche, qui met Helen Thomas (célèbre journaliste américaine aujourd’hui à la retraite et très critique vis-à-vis de George W. Bush) à l’index, et les pirates minables qui ont écroulé le site de Al Jazira. Tout ça est taillé dans le même costard : petits tyrans, couards, hypocrites.”

“La guerre, ce n’est pas joli-joli”

Pour Jihad Ali Ballout, porte-parole de la chaîne qatarie, “l’agression contre notre site est une atteinte à la liberté d’expression et à celle de la presse”. Un avis que partage Robert Ferrell, chercheur en sécurité informatique. “Le cracker qui a fait cela n’a probablement pas de vraie cause à défendre. Il fait ce genre de truc juste pour pouvoir se prétendre ‘hactiviste’, parce que l’étiquette est ‘cool’. Il n’y a pas de réflexion dans cet acte.” D’ailleurs, poursuit Ferrell, “si l’agresseur est responsable et américain, on peut se demander s’il n’a jamais entendu parler de la Déclaration des droits de l’homme ou s’il ne se souvient plus de ce que le premier amendement dit !”

Tout le monde n’est cependant pas de cette opinion. Mike Sweeny, propriétaire de Packet Attack, un site d’information sur la sécurité, s’interroge. “Mes sentiments à propos de l’attaque sont pour le moins mitigés. Si Al Jazira n’était pas aussi partiale, cela ne poserait aucun problème. Mais la chaîne interprète tellement la réalité que je ne sais plus quoi penser. Ce qui est sûr, c’est qu’ils ont raison de diffuser des images non censurées, qui montrent que la guerre ce n’est pas joli-joli, et que les blessés ne tombent pas le sourire aux lèvres, que les morts n’expirent pas dans un soupir avec une cigarette au coin des lèvres. Ce sont des images que les Américains devraient voir plus souvent.” Colin Powell n’a pas non plus hésité à critiquer la chaîne, en lui reprochant de “mettre l’accent sur les succès mineurs des Irakiens et de ne porter qu’un regard négatif sur les efforts américains”.

Al-Jazira récompensée

La ligne éditoriale d’Al Jazira est sans nul doute ce qui a provoqué l’attaque. D’ailleurs, remarque “Wired”, les premières requêtes - le site a été écroulé selon la très classique tactique DOS (déni de service) - sont arrivées juste après que la chaîne qatarie a montré des prisonniers de guerre britanniques et américains.

Pourtant, Al Jazira a été récompensée par l’“Index on Censorship”, basé au Royaume-Uni. L’index lui a remis son prix pour “son courage à refuser la censure et son apparente indépendance dans une région où les médias sont pour la plupart dirigés par l’Etat.” Et “Wired” donne le mot de la fin à Hasnaim Maurya, qui se décrit comme un cracker repenti, et explique qu’autrefois “il croyait justifié d’attaquer les sites des opposants au gouvernement”. Il a désormais changé d’idée : “On ne peut pas réclamer la liberté pour soi et en même temps limiter celle des autres.”

Eric Glover

© Courrierinternational.com


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Pour infos/
Xavier Cahen
Paris France
cahen.x@levels9.com