aris on Wed, 26 Feb 2003 20:13:06 +0100 (CET)


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[nettime-fr] Contre l'Europe du mandat d'arret europeen


Contre l'Europe du mandat d'arrêt européen
UN OBSERVATOIRE POUR LA CIVILISATION JURIDIQUE

Le moment choisi, les circonstances et les modalités de l'extradition de
Paolo Persichetti ont conféré à toute l'affaire un caractère exemplaire. Il
s'est agi d'un épisode paradigmatique, indice d'un phénomène bien plus vaste
et inquiétant en train de polluer les fondements de l'édifice européen en
construction : la judiciarisation de la société comme modèle de gouvernement
et l'idée que l'action pénale puisse être instrument de régulation de la vie
sociale. 

L'Union européenne, née à l'origine comme espace économique - d'abord
circonscrit puis toujours plus élargi à l'échange libre de toutes les
marchandises et de tous les capitaux jusqu'à la constitution de la monnaie
unique - voit ses structures politiques dépourvues d'un poids d'égale
importance et montre qu'elle ne se conçoit pas comme un « espace social »
qui nécessiterait des garanties, des droits et des protections fortes en
faveur des millions d'êtres humains qui y habitent, y travaillent, y
circulent, y vivent.

Après le rôle-clé joué par les hautes bureaucraties et la haute finance, les
nouveaux acteurs centraux du procès d'unification semblent être devenus les
magistratures et les polices qui tendent à anticiper des normes non encore
en vigueur, agissant dans un virtuel « comme si » évidemment dépourvu de
tout contrepoids régulant son extrême puissance. Entrepreneurs du profit et
entrepreneurs de l'urgence ont coagulé autour d'eux des fonctions, des
centres de décision et des bureaucraties, qui de fait, absorbent et exercent
la souveraineté réelle.

Le futur « mandat d'arrêt européen », dont l'extradition de Paolo
Persichetti peut être considéré comme une « répétition générale », naît
parmi les plus criantes dissymétries entre les codes pénaux, les profondes
différences de critère de formulation des preuves, les différences entre
rites accusatoires et inquisitoires, la disparité des peines. Dans certains
pays sont encore poursuivis les « délits d'opinion », et la nature de ces
délits varie de pays à pays. En Italie sont poursuivis pas moins de sept
types de délits d'association - prolifération sans égale en Europe. La
« parole » des repentis n'est pas appréciée de la même manière par les
divers codes de procédures pénales, qui s'inspirent de conceptions
différentes de la preuve. La nature et l'importance des peines varie suivant
les systèmes pénitentiaires, du maximum de dix ans en Hollande, à 15 en
Allemagne, à 30 en Italie. Subsistent encore des conditions de détentions
spéciales comme les quartiers d'isolement en France et le 41bis en Italie,
qui légalisent la torture, montrant une conception purement afflictive et
vindicative de la peine. Et enfin, quelques pays, dont l'Italie, voient leur
propre système altéré par la présence de nombreuses lois d'exception. l'
« espace judiciaire européen », loin d'être un territoire où prend forme un
ensemble normatif commun, ressemble toujours plus à l'Europe sortie du
Congrès de Vienne. A savoir à un lieu inspiré par le « sacro-saint principe
de légitimité », dans lequel les Etats membres reconnaissent de manière
automatique leur propre force coercitive réciproque aux dépens des citoyens,
lesquels voient, eux, disparaître les formes précédentes de protection et de
garantie. 

Le traitement réservé aux marchandises ne trouve pas de correspondance dans
le traitement réservé aux humains, citoyens et résidents de l'Union
européenne. 

Il convient donc non seulement d'uniformiser les systèmes judiciaires et de
créer une forte instance d'Appel centrale européenne, dotée de pouvoirs de
cassation, ainsi que d'harmoniser les codes pénaux et les règlements
pénitentiaires, mais aussi d'harmoniser dans la direction des principes les
plus protecteurs qui survivent dans les différents codes. Le Plus grand
commun multiple, et non pas le Plus petit commun diviseur, doit inspirer la
civilisation judiciaire en train de s'édifier, par un accord aux niveaux le
plus haut des protections et des garanties des libertés collectives et
individuelles. Dans ce sens il est souhaitable de prendre des mesures
d'amnistie dans les différents pays membres pour apurer définitivement, là
où cela ne serait pas encore fait, les héritages judiciaires et pénaux des
conflits de types socio-politiques ou territoriaux qui ont traversé l'Europe
durant le dernier tiers de siècle. Une remise des compteurs à zéro qui, en
vue de l'entrée en vigueur des nouveaux automatismes judiciaires,
permettrait aux pays membres de ne pas devoir remettre en discussion des
choix souverains en faveurs de politiques d'accueils et d'asile politique
concédées aux citoyens des autres Etats membres. Pour ces raisons, nous
avons créé un Comité qui, prenant pour point de départ l'affaire Persichetti
comme révélateur ultérieur d'un processus dont les signes se manifestent
depuis un certain temps, et en surveillant ce cas et d'autres cas analogues,
attire l'attention sur la dégradation de la civilisation juridique en train
d'accompagner l'unification européenne.

Comité Paolo Persichetti


Cesare Bermani, historien
Mauro Bulgarelli, député des Verdi (les « Verts » italiens)
Paolo Cento, député des Verdi
Roberto De Caro, historien, directeur de Hortus musicus
Elettra Deiana, députée du Prc (Partito della Rifondazione communista)
Claudio Del Bello, professeur d'université
Erri De Luca, écrivain
Giuseppe Di Lello, député européen du Prc
Valerio Evangelisti, écrivain
Franco Gallerano, professeur d'université
Alfonso Gianni, député du Prc
Mario Lunetta, écrivain
Lucio Manisco, député européen du Pdci
Graziella Mascia, députée du Prc
Maria Persichetti
Francesco Romeo, avocat
Giovanni Russo Spena, juriste et député du Prc
Niki Vendola, député du Prc



Traduction de l'italien SQ.


Source/auteur : Comité Paolo Persichetti (Italie)
Mis en ligne le mercredi 26 février 2003, par Aris
http://hns.samizdat.net

 
 
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