aris on Fri, 13 Dec 2002 11:05:45 +0100 (CET)


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[nettime-fr] zelig.rc2 >> samedi 14 >> debat communication alternative


Mouvement et communica(c)tion
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Au sein des dispositifs de mobilisation du mouvement « no-global » et plus
généralement des mouvements sociaux, la communication via les réseaux
électroniques joue un rôle évident. D'une certaine façon, Seattle fut autant
la « révélation » d'un mouvement fait de multiples mouvements ­ le «
mouvement des mouvements » comme il sera défini par la suite ­ que celle de
l'émergence du modèle des « médias indépendants » dont les nombreux groupes
locaux d'Indymedia, un peu partout dans le monde, sont le symbole le plus
visible. De fait, le mouvement « no-global » fait preuve d'une
impressionnante capacité à multiplier et combiner les canaux de
communication où circulent non seulement de l'information, mais aussi du
débat, des pratiques, des subjectivités et des capacités d'organisation. Le
réseau est probablement le paradigme organisationnel des multitudes, et les
agencements de communication sont (avec les initiatives transnationales de
type contre-sommet) les instruments privilégiés de la coopération politique
entre des milliers de réalités diffuses et dispersées. Car derrière le
vocable confus et confusionniste de « médias indépendants », ce dont il est
bien question c'est de la capacité désormais démontrée des molécules du
mouvement à communiquer pour elles, à communiquer entre elles, tout comme à
communiquer vers l'extérieure, en s'appropriant les outils de communication
qu'offre l'Internet : combien de centaines de mailing lists, de sites web,
de forum ou de bulletins électroniques, etc. (mais aussi d'émissions de
radio ou de bulletins imprimés) se sont créés dans la continuité de Seattle
pour communiquer Prague, Göteborg, Québec City, Bruxelles ou Gênes ? Autant
de murmures qui composent le flot d'une communication effectivement
indépendante, mais surtout qui se cherche des voies de traverses pour
échapper au monopole et au balisage médiatique de l'information.

    >> Des limites évidentes

Ce serait dans le même temps se mentir que d'en rester à un tel constat
idyllique : si la communication dans le mouvement est l'une des forces de
celui-ci, elle en exprime dans le même temps toutes les faiblesses. Si l'on
regarde de plus près les contenus de cette communication en mouvement on
doit concéder, qu'à côté d'une réelle capacité à contourner (même
partiellement) la puissance d'occultation des médias mainstream, à côté
d'une capacité à faire circuler de la subjectivité politique, elle reproduit
aussi des séparations, des logiques de ghetto et des effets de brouillage
évidents. « Médias indépendants » et « communication alternative » se
limitent en effet trop souvent à la reproduction des faiblesses des milieux
militants. en particulier :

- Confusion entre l'information et la propagande : trop de « news » publiés
sur les sites d'infos, ou envoyées sur les mailing lists, ne sont jamais
qu'un copier-coller de tract ou de communiqué, ou la lutte, les émotions, le
vivant qui font la richesse des mouvements se perd dans le caractère
autoréférentiel des formules et des slogans.

- Incessantes querelles sur le thème du « traître », des « réformistes » et
des « faux révolutionnaires »Š qui s'étalent dès qu'il y a un espace de
libre expression (mailing lists, site web en open publishing) au point de
grever grandement les possibilités réelles de communication et d'échange.

- Persistance des attitudes de « boutiques », chaque expérience de
communication tenant finalement bien plus à son « label » qu'à la nécessité
de produire de la coopération, qu'à la nécessité d'apprendre à être ensemble
en mouvement avec nos spécificités et nos richesses (1).

Pour dépasser cette situation, rien ne sert de se lamenter, il nous semble
qu'il est par contre grand temps d'ouvrir un débat ­ véritablement
transnational, véritablement pluraliste ­ autour d'un certain nombre de
questions politiques comme celle des contenus de la communication
alternative, ou encore celle des formes et des moyens d'une véritable
coopération entre les diverses réalités des « médias indépendants » et
au-delà l'ensemble des activistes des réseaux. Cela suppose aussi sans doute
d'avancer sur quelques clarifications politiques sur ce qu'est (et n'est
pas) la communication alternative.

Médias indépendants ou communication alternative ?

Quel est le problème que nous posent les médias mainstream ? Est-ce
uniquement leur dépendance envers les grands groupes financiers du secteur
du spectacle, ou bien plutôt la médiation elle-même, cette fausse
objectivité tant revendiquée par les médias pour couvrir d'un minimum de
vertu la réalité de la chasse au scoop, de la soumission à l'Audimat et aux
« taux de pénétration », ou encore de prima de la publicité. « En brouillant
délibérément la frontière entre l'objectif et le subjectif [Š] le Média
construit l'image d'une fausse subjectivité, emballée et vendue au
consommateur comme un simulacre de ses propres « sensations » et « opinions
personnelles » ou de sa subjectivité. Et en même temps, le Média construit
(ou est construit par) une fausse objectivité, une fausse totalité, qui
s'impose comme la vue-du-monde qui fait autorité, bien plus que n'importe
quel simple sujet » (2).

Ce qui nous sépare finalement des médias c'est avant tout le point de vue à
partir duquel nous tentons de produire de l'information et de la
communication, la tentative de réduire la médiation (celle des experts, des
spécialistes) à sa plus simple expression, en donnant les moyens à chacun et
chacune, à toutes les réalités sociales auxquelles nous nous adressons,
d'agir leur communication, de faire de la communication un moment de la
lutte, de la mobilisation, du conflit. Encore et toujours la proposition
d'une multiplication de « médias intimes » (3) contre les énormes machines
de guerre de l'information spectaculaire.

Cela suppose donc plus qu'une simple altérité structurelle ­ que revendique
le document d'indymedia Théssalonique (4) ­ mais bien d'inventer des modes
polyphoniques (pluriels et pluralistes si l'on veut) pour produire de
l'information, pour faire circuler le débat, et pour produire de la
subjectivité. Quelque chose qui suppose une capacité à diffuser l'expertise
et construire des espaces, tout comme à combiner la diversité et la
coopération : et de fait il s'agit plus là d'alternative que d'indépendanceŠ

    >> L'au-delà de l'open publishing

Après Seattle le modèle Indymedia de l'open publishing ­ c'est-à-dire de la
libre publication des textes, images et vidéos sur le web, sans filtrage
préalable, et avec un minimum de « modération » a posteriori ­ est devenu
largement dominant dans l'aire des « médias indépendants ». Or cette
conception de l'information alternative montre, depuis quelque temps déjà,
toutes ses limites, et est aujourd'hui en crise (5). En effet, le principe
de l'open publishing, sans doute séduisant par son affirmation absolue du
principe de liberté de publication, produit dans les faits de terribles
confusions :

- Confusion entre les textes d'informations et les textes d'opinion ou
d'humeur, qui sont finalement mis bout à bout sur un même plan ce qui finit
par produire un effet de brouillage important.

- Confusion entre l'activité d'un collectif dont le champ d'action est la
communication et l'information, et des contributions d'origine incontrôlable
qui ne peuvent, à un moment ou un autre, qu'entrer en conflit avec le
principe même d'une ligne rédactionnelle.

- Confusion entre la libre expression et le champ libre au « n'importe quoi
», voir à l'instrumentalisation par n'importe qui (par exemple des infos
postées par des groupes d'extrême droite).

C'est dans ce contexte qu'il faut placer les « dérapages » antisémites
publiés sur certains sites d'Indymedia (dont Indymedia France), où le fait
que chaque échéance de mobilisation y donne lieu à d'interminables
polémiques groupusculaire au détriment de l'information réelle. C'est sans
doute aussi les raisons pour lesquelles certains sites du réseau Indymedia
(comme IndyACP à Madrid ou CEMAQ au Québec) séparent désormais les textes «
proposés » des textes « publiés », en plus de s'être dotés d'une charte
rédactionnelle explicite, comme la plupart des collectifs locaux
d'Indymedia.

Mais au-delà des critiques que nous sommes nombreux à faire sur
l'application du principe de l'open publishing, il faut aussi reconnaître
que les projets fondés sur une dynamique de coopération entre des groupes et
des individus ­ comme nous le pratiquons à samizdat.net ­ ne sont pas non
plus sans révéler des limites, en particulier la difficulté des milieux
militants à véritablement communiquer au-delà de leur cercle d'influence
restreint, qui les conduit souvent aussi à privilégier la relation avec les
médias mainstream et à sous estimer les réseaux de la communication
alternative.

    >> Pour un débat dans le mouvement

À partir de ces quelques remarques, et des diverses contributions sur le
sujet qui ont circulé ces derniers mois (6), il nous semble important que
s'ouvre une confrontation loin des polémiques et des procès d'intentions.
Confrontation qui doit produire aussi de la coopération à brève échéance,
pour ne pas en rester à un simple échange de point de vue. C'est de tout
cela que nous entendons parler à la zelig. rc2 cette année, pas seulement
entre « spécialistes », mais avec tous ceux et celles qui sont partie
prenante des multiples formes de l'activisme politique et social
aujourd'hui.

Samizdat.net


    >> zelig.rc2 ­ Débat
    Samedi 14 décembre 10h-12h30
    
    COMMUNICATION ALTERNATIVE :
    PRODUIRE L'INFOS HORS DES MÉDIAS
    
    Les Vignoles ­ Confédération nationale du travail
    33, rue des Vignoles, 75020 Paris
    Métro :  Avron ou Buzenval


. . . . . .

(1) Sur ces questions, voir le bilan de notre expérience à Gênes, à l'été
2001 : Jean-Pierre Masse, Aris Papathéodorou, Communiquer à Gênes,
communiquer Gênes, sur samizdat. net :
http://infos.samizdat.net/article.php3?id_article=163

(2) Hakim Bey, Le credo médiatique fin de siècle, disponible en français sur
la Biblioweb de samizdat. net :
http://biblioweb.samizdat.net/article.php3?id_article=12

(3) Hakim Bey, ibidem.

(4) Indymedia Théssalonique, Lettre ouverte au réseau Indymedia, juillet
2002. http://infos.samizdat.net/article.php3?id_article=168

(5) Voir les éléments sur la crise d'Indymedia France sur le site web :
http://france.indymedia.org.

(6) Voir en particulier Kandjare, Les contre-sommets : traitements
médiatiques et « spectacularisation » de la contestation, sur samizdat.net :
http://infos.samizdat.net/article.php3?id_article=161


 
 
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