aris on Tue, 10 Dec 2002 19:24:10 +0100 (CET)


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[nettime-fr] Un scandaleux avant projet de loi de reforme du droit d'auteur


Un scandaleux avant projet de loi de réforme du droit d'auteur

Paris, le 4 décembre 2002 - Le DMCA (Digital Millennium Copyright Act)
défraie la chronique aux États Unis depuis 1998, en créant de nouveaux
délits sanctionnant des actes autorisés auparavant. La version française du
DMCA arrive [1], discrètement discutée depuis un an par le CSPLA [2]
(Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique). Loin d'être
plus modéré que le DMCA, le projet de loi qui sera discuté à huis clos jeudi
5 décembre 2002 propose même d'autoriser des associations telles que le BSA
à se substituer purement et simplement aux auteurs. Pourquoi un tel
durcissement alors qu'il est possible de préserver l'intérêt général ?
Pourquoi les associations APRIL et FSF ne sont pas à la table des
négociations ? 

Le DMCA, comme la directive européenne (du 22 mai 2001 [3]) dont est issue
le projet de loi [1], a pour intention déclarée de réprimer la contrefaçon.
Afin d'y parvenir le législateur commet l'impardonnable erreur, tant du
point de vue du droit que d'un point de vue humaniste, de remplacer la loi
par la technique.

Si le projet de loi est approuvé, n'importe quel procédé baptisé "contrôle
d'utilisation" (article 14 de l'avant projet) décidera de ce que vous avez
le droit de faire ou non, à la discrétion de l'auteur. La toute puissance
légale de ce procédé (il peut s'agir d'un appareil aussi bien que d'un
logiciel) est stupéfiante: peut être condamnée toute personne qui en parle
ou qui le contourne, sans même qu'il soit nécessaire de démontrer que cette
personne ait eu l'intention de commettre une contrefaçon.

Les exemples que nous a fourni le DMCA par le passé sont éclairants et
montrent jusqu'à quels extrêmes la substitution de la loi par la technique
pourrait nous mener en France. Par exemple, un serveur de jeux vidéo sur
internet, entièrement issu des efforts originaux d'une équipe de
développeurs, s'est vu interdire par la justice américaine. Son seul délit
était de ne pas contenir les mêmes procédés de "contrôle d'utilisation" que
son concurrent. Ce cas peut se décliner pour tous les services en ligne,
mettant de facto en péril l'interopérabilité des programmes.

On constate donc qu'un procédé qualifié arbitrairement de "contrôle
d'utilisation" permet à la personne qui le diffuse d'exercer un pouvoir sans
précédent, qui déborde de beaucoup la répression de la contrefaçon. Aucun
des rédacteurs de l'avant projet de loi ne suggérerait de résoudre le
problème de la délinquance et de l'insécurité en emprisonnant toute la
population. C'est pourtant ce qu'ils proposent de faire, à l'échelle des
droits d'auteur. Tout d'abord il est évident que ces systèmes porteront
atteinte à la vie privée de chacun d'entre nous. Mais il reste aussi deux
questions d'importance : qui détient les clés des nouveaux verrous
techniques, et que devient cet "intérêt général" sur lequel insiste la
directive (considérants 3 et 14) ?

Nous croyons parfois que les lois sont immuables et justes et sont surtout
conçues en vue de l'intérêt du plus grand nombre. Malheureusement cet avant
projet de loi nous rappelle à l'inverse que dans certains cas ce sont des
groupes de pression qui les rédigent, au détriment de l'intérêt général. La
directive européenne développe un biais en faveur des éditeurs et des majors
mais elle s'abrite habilement derrière des statistiques de contrefaçon et ne
rencontre pas pour l'instant une opposition efficace. La maladresse
stratégique des rédacteurs de l'avant projet de loi français leur a fait
dévoiler leurs véritables ambitions.

L'article 27 du projet de loi autorise les organismes de défense
professionnels à se substituer aux auteurs. Par exemple le BSA aurait le
droit d'agir au nom d'un auteur, comme s'il était lui même l'auteur, sans
même le consulter. Le BSA (Business Software Alliance, dont le principal
membre est Microsoft) pourrait aussi perquisitionner dans les entreprises.
Et cette proposition n'a rien à voir avec la directive européenne du 22 mai
2001.

Mais il n'est pas trop tard pour agir. Sans déroger à la directive, qui doit
être transposée en droit national dans chaque pays d'Europe d'ici le 22
décembre 2002, il est possible d'en corriger les effets pervers:

*  en réaffirmant le droit à l'interopérabilité entre les programmes
informatiques; 
* en préservant explicitement la liberté de la recherche;
* en transformant le régime d'exception de copie privée en un régime de
droit à la copie privée;
* en garantissant le domaine public de manière à interdire son appropriation
par le biais de mesures techniques.

L'intérêt général retrouverait ainsi sa place au sein du projet de loi qui
devra être adopté par le Conseil des ministres. Chacun doit se mobiliser en
vue de cet objectif.

Le CSPLA délibère le 5 décembre 2002, à huis clos. Grâce à la divulgation
prématurée de l'avant projet, une réaction a pu avoir lieu. Mais comment se
fait-il que le Logiciel Libre ne soit pas représenté au CSPLA et qu'une
fuite d'information soit le seul moyen pour nous d'être au courant des
choses ? Alors que gouvernements, entreprises et individus sont de plus en
plus nombreux à se rassembler autour des idéaux de partage et de liberté du
Logiciel Libre, l'absence d'associations telles que l'APRIL ou la Free
Software Foundation (FSF) est anormale. Avec une reconnaissance
institutionnelle des associations de défense du Logiciel Libre nous pourrons
contribuer à défendre l'intérêt général.


APRIL - Association Pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre


1. Références

[1] http://www.planetelibre.org/main.php?type=news

[2] http://www.culture.fr/culture/cspla/conseil.htm

[3] 
http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2001/l_167/l_16720010622fr0010001
9.pdf

2. À propos de l'APRIL

L'APRIL, Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique
Libre, créée en 1996, est composée de personnes physiques et morales
impliquées dans le développement de l'informatique libre et fortement
implantées dans le tissu social. Elle a pour objectif de sensibiliser les
entreprises, les administrations et les particuliers sur les risques des
solutions propriétaires et fermées et de les informer des bénéfices offerts
par les logiciels libres et les solutions basées sur des standards ouverts.

Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à
l'adresse suivante : http://www.april.org/, ou nous contacter par mail à
l'adresse contact@april.org.

3. À propos de la Free Software Foundation (Fondation pour le
LogicielLibre):

La Free Software Foundation, fondée en 1985, est dédiée à la promotion des
droits des utilisateurs d'ordinateurs, qui sont l'utilisation, l'étude, la
modification et la redistribution des logiciels. La FSF favorise le
dévelopement et l'usage des Logiciels Libres, en particulier le système
d'exploitation GNU (dont GNU/Linux est la variante la plus répandue) et de
la documentation libre. La FSF s'applique aussi à informer le public sur les
questions éthiques et politiques de la liberté dans l'usage des logiciels.
Leur site web, http://www.gnu.org, est une importante source d'informations
sur GNU/Linux. Le siège de la FSF est situé à Boston (Massachusetts,
États-Unis).

adresse permanente :
http://www.april.org/articles/communiques/pr-20021204.html



 
 
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